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Belfius a fêté ses 5 ans en octobre 2016. La banque est née de l'intervention de l'Etat Belge lors du sauvetage de Dexia en octobre 2011. Belfius a alors repris les activités belges de Dexia pour près de 4 milliards d'euros. La banque est à ce jour détenue à 100% par l'Etat.

 

Romain Gelin

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Depuis un peu plus d'un an, le gouvernement fédéral, par l'entremise du ministre des finances N-VA Jan van Overtveldt a évoqué sa volonté d'ouvrir le capital de la banque à des investisseurs privés, alors que la santé de la banque s'améliore et que l'établissement procure des dividendes non négligeables pour le budget fédéral. Plusieurs scénarii ont été proposés par le ministre, aucun d'entre eux ne maintient une majorité des parts de la banque entre les mains de l'Etat ou n'a pour ambition de mettre en œuvre une gestion de la banque dans l'intérêt général.

 

Celui d'une ouverture de 49,9% du capital de Belfius aux marchés financiers semble avoir l'assentiment du ministre comme de la direction de la banque. Nous serions alors dans un modèle proche de celui ayant cours chez Proximus et Bpost, deux entreprises qui assument des missions d'intérêt général mais qui sont depuis leur ouverture gérées comme des entreprises privées avec un management plus orienté vers les résultats et la réduction des coûts que vers l'accomplissement des missions de service public.

 

Un poids lourd de la banque en Belgique


 

Belfius fait partie des 4 poids lourds du secteur bancaire en Belgique avec ING, BNP Paribas Fortis et KBC. La banque dispose d'une force financière considérable puisqu'en 2016, elle gérait des actifs à hauteur de 90 milliards d'euros (quasiment un quart du PIB belge). On peut répartir ses engagements en trois catégories : financement des entités publiques, financement des entreprises et des PME, et financement des particuliers (principalement du crédit hypothécaire).

 

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Figure 1 - Les activités de Belfius en 2016 (Source : rapport annuel 2016, Belfius)

 

Aucun autre établissement bancaire n'est engagé dans de telles proportions dans le financement du secteur public en Belgique. Un engagement hérité de l'histoire de Dexia. En effet, l'ancêtre de Belfius avait été elle-même créée à l'origine sur les cendres du Crédit communal de Belgique [1] . Cette dernière avait pour actionnaires les communes belges et pour mission de pourvoir aux besoins de financement de ces dernières.

 

Bien que la banque soit toujours à 100% détenue par l'Etat fédéral (au travers de la SPFI, la société fédérale de participation et d'investissement), la stratégie du groupe à l'horizon 2020 semble complètement déconnectée de ce que le citoyen est en droit d'attendre d'une entreprise dans les mains des pouvoirs publics.

 

La stratégie de Belfius d'ici 2020 peut se décliner en une série de mesures que la direction de la banque met en avant. Nous nous sommes intéressés à quelques-unes de ces mesures, que l'on peut retrouver dans le rapport annuel 2016 de Belfius.

 

Plus de profits


 

La ligne de conduite en la matière est limpide : le groupe souhaite entrer dans une logique de course aux profits. L'objectif affiché de la banque est d'atteindre un bénéfice net consolidé supérieur à 600 millions d'euros en 2020 et une part de marché en Belgique de 15%.

 

Il n'y a, a priori, pas de contradiction au fait qu'un organisme dans les mains de l'Etat engrange des bénéfices, ceux-ci pouvant être réinvestis dans l'entreprise ou reversés vers d'autres domaines d'intervention qui nécessiteraient des financements. Ce qui est plus inquiétant ici, tient plutôt au fait que cela soit présenté comme une priorité pour un établissement entièrement contrôlé par les pouvoirs publics.

 

En ce qui concerne l'objectif d'une part de marché de 15% pour Belfius, on pourrait le considérer comme peu ambitieux. Une banque, sous contrôle citoyen ou dépendant d'un contrat de gestion avec l'Etat, offrant des services bancaires au plus grand nombre, participant au financement du secteur public, de la santé, à la transition énergétique pourrait sans problème aspirer à dépasser la part de marché de 15%.

 

L'autre interprétation de ces objectifs est à lier avec le projet de privatisation partielle de la banque. Les projections de profit sont une manière pour la banque d'attirer d'éventuels investisseurs privés qui pourraient entrer au capital de Belfius. Plus les bénéfices sont élevés, plus les éventuels actionnaires privés de la banque sont susceptibles de rembourser leur mise rapidement et d'en tirer des retours sur investissement intéressants.

 

Ces projections de profitabilité sont donc aussi une manière de « rendre la mariée plus présentable » avant une éventuelle ouverture du capital.

 

Plus de risques


 

D'aucun se souviendront de la débâcle de Dexia. Celle-ci est largement liée à l'engagement de l'ex-banque des communes dans des opérations spéculatives, les subprimes et la titrisation [2] .

 

Quelques années seulement après ce scandale, la direction de Belfius affirme désormais vouloir développer deux segments d'activité : l'assurance et surtout les produits d'investissements pour ses clients.

 

Ceci se fera au travers du développement de l'une des filiales de Belfius : Belfius Investment Partners, spécialisée dans la gestion et la commercialisation de fonds d'investissements. Jusqu'à présent, Belfius proposait des fonds d'investissements à ses clients mais ceux-ci étaient gérés par Candriam, une filiale du groupe américain New York Life.

 

Nous sommes ici assez loin du modèle de banque de dépôt qui consiste à gérer, comme son nom l'indique, les dépôts des clients et à octroyer des crédits en fonction de ceux-ci.

 

Belfius veut donc relancer une activité financière en son nom. Celle-ci consiste à acheter ou vendre des titres sur les marchés financiers afin de faire fructifier les sommes déposées par les clients et pour également en tirer une plus-value. Mais il s'agit d'une activité plus risquée que la simple gestion des dépôts. La clientèle à laquelle s'adresse la banque dans ce cas n'est évidemment pas des plus populaires. Belfius espère ainsi se créer une nouvelle source de revenu, en période de faible taux d'intérêts.

 

Plus de service pour la clientèle fortunée et moins pour les relations avec les particuliers


 

Un autre point de la stratégie 2020 pour Belfius concerne la digitalisation, autrement dit le passage à des supports numériques pour toute une série d'opérations qui nécessitaient auparavant la rencontre d'un conseiller ou de devoir signer et remettre des documents de manière physique. Belfius affirme d'ores et déjà dans son rapport annuel que la digitalisation lui a permis de réduire sa quantité de déchets papiers et cartons de respectivement 37 et 49%. Outre les économies sur les rames de papiers et les cartouches d'imprimantes, c'est sur les frais de personnel que la banque, à l'instar de ses concurrents espère réaliser des économies.

 

En effet, cette stratégie vise à réduire le personnel nécessaire en agence, les services à disposition et in fine à fermer une partie de son réseau physique. Deux risques principaux accompagnent cette stratégie. Le premier concerne les travailleurs et les exemples des concurrents de Belfius suffisent à en comprendre l'enjeu.

 

ING, banque néerlandaise concurrente de Belfius en Belgique, a décidé en 2016 d'un plan de restructuration à grande échelle, largement lié à la digitalisation des services. Plus de 3.000 salariés sont concernés par ce plan. Fin 2015, c'est BNP Fortis qui se séparait de plus de 1.000 travailleurs pour des raisons similaires.

 

L'autre face de la digitalisation, c'est la fermeture d'agences et la possibilité réduite pour l'usager d'avoir affaire à du personnel de la banque. Ceci semble d'autant plus problématique pour des personnes âgées, pas nécessairement familières des outils informatiques mais également dans les zones rurales où les agences bancaires ne se trouvent pas à tous les coins de rue.

 

Tandis que la direction de Belfius laisse entrevoir des fermetures d'agence et donc un accès plus difficile aux services bancaires pour les populations rurales, les personnes âgées et pour tout usager qui souhaiterait pouvoir se rendre au guichet de sa banque, la direction annonce parallèlement vouloir développer un autre segment, et y consacrer du personnel : le private banking.

 

Le « private banking » désigne ce que l'on appelle en français la « gestion de fortune ». Belfius annonce vouloir dédier plus de moyens à des relations individualisées avec ses clients les plus aisés alors que dans le même temps, elle ferme des agences là où sa clientèle plus populaire en a besoin. Une politique tout à fait en phase avec le développement des fonds d'investissement, puisqu'elle semble viser le même public.

 

Fin 2016, Belfius annonçait le doublement des frais sur ses comptes sociaux qui permettent à des personnes bénéficiaires d'aides sociales de disposer d'un service bancaire gratuit et adapté aux besoins de ce public. Ce sont désormais les CPAS qui prendront à leur charge l'augmentation des frais sur les comptes sociaux [3] .

 

Plus de pression pour les travailleurs


 

Enfin, Belfius prendra de nouvelles mesures pour faciliter le télétravail, autrement dit permettre à ses travailleurs de prester une partie de leur travail à domicile. Et la direction d'expliquer : « les collaborateurs se verront progressivement équipés d'une solution IT leur permettant de rester connectés quel que soit leur lieu de travail » [4] .

 

Les employeurs mettront en avant un aménagement du temps de travail pour le personnel : baisse du temps dans les embouteillages, possibilité de concilier plus facilement vie de famille et vie professionnelle. Pour l'entreprise, le télétravail permettra de réaliser des économies en loyer, et autres charges fixes liées au lieu de travail.

 

Mais le télétravail est-il toujours à l'avantage du travailleur ? Une étude réalisée en 2012 sur le sujet constatait que plus de la moitié des cadres faisait des heures supplémentaires à domicile, après leurs heures supplémentaires prestées au bureau, la différence étant que celles réalisées à domicile ne sont pas rémunérées. Ceci s'explique en partie par la possibilité offerte par les employeurs de disposer gracieusement des outils nécessaires (GSM, ordinateurs portables...) au télétravail. 6 travailleurs sur 10 déclaraient même avoir le sentiment de devoir être joignables en dehors des heures de travail et de devoir vérifier l'arrivée de messages à caractère professionnel [5] . Des attitudes souvent en réaction à la nécessité de rattraper du travail en retard, de s'avancer ou simplement pour atteindre les objectifs.

 

Les craintes liées au travail concernent donc l'empiètement du temps professionnel sur la vie privée et le temps libre des travailleurs. L'autre crainte est plutôt à trouver dans la capacité d'action collective et la possibilité de forger des solidarités entre les travailleurs qui risque de se voir amoindrie dans un cadre ou le personnel des entreprises se connait et se fréquente de moins en moins.

 

Une orientation claire


 

Les objectifs de la stratégie 2020 de Belfius semblent donc prendre une orientation claire. Alors même que la banque est toujours à 100% aux mains de l'Etat, sa gestion s'oriente de plus en plus vers la course au profit, des stratégies qui visent à renforcer son assise auprès d'une clientèle aisée (private banking, activité de banque d'investissement) et tendent à ajouter du risque aux activités de la banque. A l'opposé, les usagers et les travailleurs du groupe ne semblent pas les mieux lotis devant une restructuration qui, sous couvert de digitalisation, laisse entrevoir des fermetures d'agences et un accès restreint pour la clientèle aux services bancaires. La normalisation du télétravail risque de désolidariser les travailleurs et va nécessairement allonger leur temps de travail. Nous sommes donc bien loin d'une banque dont le contrôle reviendrait aux citoyens [6] et dont l'orientation profiterait au secteur public, au monde associatif et à l'ensemble de la société.

 

Cet article est tiré d'une intervention lors de l'AG alternative de Belfius, organisée par la plateforme « Belfius est à nous » le 26 avril 2017 à Bruxelles.

 

Notes

[1] Voir http://www.banquepublique.be/les-ipc/van-gkb-tot-dexia

[2] Technique financière consistant à transformer des prêts ou des contrats conclus entre un établissement de crédit et un client en titres échangeables sur des marchés financiers

[3] https://www.rtbf.be/info/regions/hainaut/detail_la-banque-belfius-a-double-le-tarif-de-ses-comptes-bancaires-sociaux?id=9486250

[4] Page 22 du rapport annuel 2016 de Belfius (version française)

[5] Setca, Squared, « télétravail, omnitravail ? », Octobre 2013.

[6] http://www.belfiusestanous.be/manifeste/

 

Bron: http://www.econospheres.be/La-strategie-2020-de-Belfius