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GIEC : UN RAPPORT DE SYNTHÈSE AU GOÛT D’ULTIMATUM

 

Session du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), Berlin, février 2022  (© IPCC/Bernd Lammel (Flickr))

Le GIEC a publié son dernier rapport de synthèse qui clôture le 6e cycle d’évaluation (AR6). Les scientifiques lancent un dernier ultimatum au monde : les actions posées au cours de cette décennie – particulièrement avant 2025 – auront des conséquences vitales pour les milliers d’années à venir.

Le rapport de synthèse paru le 20 mars 2023 est la dernière pièce manquante du sixième cycle d’évaluation du GIEC. Ce dernier a impliqué plus de 700 scientifiques issus de 91 pays différents. Il aura mis huit ans à être finalisé.

Le rapport compile les données présentes dans les contributions issues des trois groupes de travail : le groupe I, concentré sur la science du climat ; le groupe II focalisé sur les questions d’impact, de vulnérabilité et d’adaptation ; et le groupe III qui s’intéresse quant à lui aux solutions à mettre en place pour atténuer le réchauffement. Le document de synthèse repose également sur trois rapports spéciaux : le rapport spécial sur un réchauffement planétaire de 1,5°C, le rapport spécial sur les liens entre terres et climat et le rapport spécial sur les océans et la cryosphère. Il est important de relever que la synthèse repose uniquement sur les contenus existants dans les rapports susmentionnés, ce qui veut dire qu’elle n’inclut aucune recherche ou engagements pris après la date butoir du 11 octobre 2021 (donc plusieurs semaines avant la COP26 de Glasgow par exemple, où de nombreuses annonces avaient été faites par une série d’Etats).

Ce sixième rapport de synthèse permet donc de mettre en relief les messages principaux de l’ensemble du cycle d’évaluation et de rappeler sans ambiguïté l’urgence de la situation, ses conséquences ainsi que les solutions existantes à mettre en œuvre au cours de la « décennie de l’action ». Cette contribution constitue par ailleurs un des apports principaux du premier Bilan mondial de l’Accord de Paris (Global Stocktake, en anglais). La conclusion politique de ce processus international est prévue pour la COP28 et devrait indiquer aux gouvernements, entreprises, investisseurs et tous les autres acteurs comment rectifier notre trajectoire pour la rendre compatible avec un réchauffement global limité à 1,5°C.

DES ALERTES CONNUES

Les scientifiques rappellent que la température moyenne à la surface du globe a atteint 1,1°C en 2011-2020 par rapport aux niveaux préindustriels. Ils notent que les politiques mises en place d’ici à la fin de 2021 mèneront probablement à un dépassement du seuil de 1,5 °C au cours de ce siècle et pourraient atteindre un réchauffement d’environ 3,2 °C d’ici à 2100.

Le rapport pointe également que les concentrations de CO2 dans l’atmosphère n’ont jamais été aussi élevées depuis au moins 2 millions d’années et le rythme de réchauffement planétaire est sans précédent depuis au moins 2 000 ans. L’influence humaine sur ces phénomènes est sans équivoque. Le rapport permet également d’avoir une compréhension beaucoup plus fine du lien entre les émissions de gaz à effet de serre, l’augmentation de la température à la surface du globe et les changements climatiques et météorologiques observés.

Il indique également comment les gouvernements peuvent encore agir pour éviter le pire, en mettant l’accent sur le caractère déterminant de cette décennie sur les conséquences à venir pour le reste du siècle. Le rapport précise que « les choix et les actions mis en œuvre au cours de cette décennie auront des répercussions aujourd’hui et pendant des milliers d’années ». Il reprend par ailleurs le langage issu du 3e groupe de travail qui précise que les émissions mondiales de GES doivent atteindre leur maximum « entre 2020 et au plus tard avant 2025 » pour maintenir le réchauffement global en deçà de 1,5°C ou 2°C. Pour parvenir à un taux net de CO2 nul d’ici 2050 et maintenir l’objectif de 1,5°C, les émissions de CO2 doivent être réduites de 48 % d’ici 2030, de 65 % d’ici 2035 et de 99 % d’ici 2050 (par rapport aux niveaux de 2019).

DES RESPONSABILITÉS DIFFÉRENTES FACE À UN OBJECTIF COMMUN

En ligne avec cet objectif commun de neutralité climatique à l’horizon 2050, le secrétaire général des Nations unies a envoyé un message très clair aux responsables politiques des pays développés, les exhortant à revoir leurs objectifs de zéro émission nette afin de les atteindre à une date aussi proche que possible de 2040. La majorité de ces pays – dont l’Union européenne – visent actuellement 2050 comme date butoir. Le secrétaire général a par ailleurs appelé les économies émergentes à adopter ou à actualiser leurs engagements de neutralité climatique, afin de viser une date aussi proche que possible de 2050. Les engagements actuels de la Chine et de l’Indonésie sont fixés à 2060 et celui de l’Inde à 2070.

Antonio Guterres a par ailleurs publié un programme d’accélération des efforts pour décarboner nos économies qui distingue aussi les efforts de chacun dans ce contexte. Il appelle entre autres les gouvernements et le secteur privé à mettre fin à l’utilisation du charbon d’ici 2030 dans les pays de l’OCDE et d’ici 2040 dans tous les autres pays ; et à parvenir à une électricité à zéro émission d’ici 2035 dans les pays développés et d’ici 2040 au niveau mondial. L’industrie pétrolière et gazière n’est pas oubliée et est invitée à présenter des plans de transition crédibles, cohérents avec l’objectif de 1,5°C et démontrant des investissements soutenus dans les énergies renouvelables.

UN ENNEMI : LES ÉNERGIES FOSSILES

Cette allocution du patron des Nations Unies met en relief l’ennemi numéro un de la lutte contre le réchauffement planétaire : les énergies fossiles. Ainsi, on sait que les émissions issues des infrastructures de combustibles fossiles existantes vont très certainement dépasser le budget carbone restant pour rester sous la barre des 1,5°C. Le GIEC indique par ailleurs que la mise en place de toutes les infrastructures fossiles prévues entrainerait quant à elle une probabilité supplémentaire de 83% d’atteindre un réchauffement supérieur à 2°C. Ces données scientifiques sont alignées avec les recommandations formulées par l’Agence internationales de l’énergie (AIE) qui préconise de cesser toute autorisation ou financement de nouveaux projets pétroliers et gaziers après 2021 et arrêter toute expansion des projets pétroliers et gaziers existants, si on veut respecter les objectifs de l’Accord de Paris.

Le constat du GIEC est néanmoins sans appel : « les flux financiers publics et privés destinés aux combustibles fossiles restent plus importants que ceux destinés à l’adaptation au changement climatique et à l’atténuation de ses effets ». Ainsi, une des politiques clé identifiée pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre est la suppression des combustibles fossiles. Cette dernière doit être élaborée et structurée pour ne pas nuire aux plus vulnérables, à l’échelle internationale mais aussi au sein des pays. Les scientifiques parlent dans ce cadre de politiques basées sur des « principes, processus et pratiques de transition juste  ».

Nombreux sont les acteurs à plaider pour des actions plus ambitieuses. Une coalition d’Etats insulaires du Pacifique a lancé un appel aux gouvernements de s’engager à « gérer une élimination mondiale, équitable et sans réserve du charbon, du pétrole et du gaz » en vue la COP 28 et au-delà. En outre, en vue de la COP28, le président égyptien de la COP27 a annoncé lors d’une réunion ministérielle de haut niveau à Copenhague que des consultations seraient organisées sur l’élimination progressive des combustibles fossiles.

DU BESOIN VITAL DU FINANCEMENT CLIMAT

Au-delà des causes désormais sans équivoque du réchauffement planétaire, le rapport de synthèse met également en exergue ses conséquences. Le dérèglement climatique affecte l’ensemble de notre planète, et chaque fraction de réchauffement supplémentaire affectera chaque région, de multiples façons. Il est de plus certain que les impacts des changements climatiques seront de plus en plus graves à mesure que nous continuons d’émettre des gaz de serre et que les températures globales augmenteront. Ainsi, même si elles se renforcent aux niveaux national et local, les mesures d’adaptation restent encore largement insuffisantes et inadéquates pour répondre aux risques climatiques et aux vulnérabilités qui en découlent. Quant aux limites de l’adaptation, elles sont déjà atteintes dans de nombreux endroits, faisant des pertes et préjudices une réalité, touchant les populations et communautés les plus vulnérables en premier.

Le rapport alerte en outre sur les difficultés d’accès au financement climat, qui ralentissent l’adoption de politiques d’atténuation et d’adaptation, en particulier dans les pays en développement. Il ajoute que le financement de l’atténuation et de l’adaptation doit être largement augmenté pour atteindre les objectifs climatiques, faire face aux risques et accélérer les investissements dans la réduction des émissions. Le secrétaire général des Nations unies a également insisté sur la nécessité de protéger les communautés les plus vulnérables, notamment en respectant les engagements financiers pris à Copenhague (COP15), Paris (COP21) et Glasgow (COP26). Parmi eux, l’engagement en matière de financement climat international, qui est d’atteindre 100 milliards de dollars par an dès 2020, n’a toujours pas été respecté. Antonio Guterres a insisté sur le besoin de refinancer le Fonds vert pour le climat, fournir une feuille de route pour doubler le financement de l’adaptation d’ici 2025, et en mettre en œuvre dès cette année le nouveau fonds pour les pertes et préjudices, tel qu’adopté lors de la COP 27.

IL EST TOUJOURS TROP TÔT POUR SE DIRE QU’IL EST TROP TARD

A mesure que les données se précisent et que l’urgence grandit, les conclusions des scientifiques restent les mêmes : il est encore temps. Sachant la différence vitale qui réside entre 1.5°C et 2°C de réchauffement mondial, chaque tonne de CO2 évitée aura des conséquences très concrètes pour nos sociétés et celles des générations futures. Les solutions et leviers d’action sont connus et détaillés. La prise de conscience citoyenne ne fait que s’affiner et se renforcer. Le seul ingrédient manquant reste encore et toujours le courage politique de transformer nos économies pour qu’elles répondent au défi du siècle.

 

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Bron: https://www.cncd.be/GIEC-Un-rapport-de-synthese-au?lang=fr