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Delen van artikels

Les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et la crise des migrants ont été le révélateur de l’état de déliquescence de l’Etat nation européen.
Certains disent aussi « de l’Europe ». C’est en partie vrai. Il serait plus juste de parler de l’échec de « l’intergouvernementalité », autrement dit, la somme des Etats-nations ne forment pas une entité supranationale.

Qu’il s’agisse des attentats ou de la venue massive de migrants, les Etats européens se sont avérés incapables d’avoir une réponse adéquate et efficace. En outre, les principes fondamentaux de vie sociale sont bafoués.

La France a connu deux vagues d’attentats en 2015 : en janvier, « Charlie Hebdo » et l’hyper casher et en novembre, le « Bataclan », le stade de France et les terrasses. Quels furent les causes de ces tragédies et quelles furent les répliques du gouvernement français ?

Les causes

Les causes. Michel Onfray – le maudit ! – écrit : « Vous bombardez leur pays, vous déchirez leurs familles, vous dessinez leur Prophète dans les dessins les plus ridicules, vous encouragez les chrétiens africains puis vous les armez pour tuer des Musulmans au Mali et en Afrique centrale… Puis vous manifestez comme des victimes ! » Cela, côté cour.

Ajoutons, côté jardin : vous appuyez les rebelles syriens contre le régime de Hassad, non à cause de ses atrocités, mais pour son alliance avec l’Iran et la Russie, tout en sachant bien que ces rebelles font partie de Daesh financé et armé par le Qatar et l’Arabie Saoudite.

Par ces contradictions, n’est-ce pas vous la cause ? La politique étrangère des pays européens dont la France systématiquement alignée sur les néoconservateurs américains mène à la catastrophe. François Hollande fait tout pour réintégrer totalement la France à l’OTAN. Cette politique ne répond en rien aux intérêts vitaux des peuples européens. Où est l’intérêt de se positionner dans un bloc contre la Russie ? En quoi, ce pays est-il ennemi de l’Europe ?

Au Moyen Orient, l’alliance systématique avec le gouvernement nationaliste israélien n’apporte rien à la paix. Elles sont pitoyables, les tergiversations avec la Turquie d’Erdogan qui se transforme en un pays fasciste et qui n’est pas loin de procéder à un nouveau génocide, avec les Kurdes, cette fois-ci. En outre, le régime islamiste « modéré » d’Ankara est en cheville avec Daesh.

De plus, le commerce des armes – et particulièrement du Rafale de Dassault – provoque des compromissions avec des pays dont les intérêts sont fondamentalement contraires à ceux de la France et de l’Europe. Des liens douteux se forment entre les hommes d’affaires français et l’émirat du Qatar qui rachète systématiquement les hôtels de haut de gamme à Paris et sur la côte d’Azur, la principale équipe de football bradant ainsi des secteurs florissants pour le seul intérêt de quelques personnages aussi puissants que douteux qui hantent les allées du pouvoir.

Donc, un Etat faible prêt à toutes les compromissions ne peut organiser une résistance efficace à l’offensive terroriste dont sa population est victime. Mais, on peut se poser une question : mesure-t-on réellement ce qu’est le terrorisme ?

Le terrorisme n’est pas ce que l’on croit.

Tout aussi atroce qu’il soit, le terrorisme est une arme psychologique. Mesurons les choses : le terrorisme en France a provoqué 149 décès et 51 blessés graves et handicapés – on les oublie, ceux-là, ils ne sont pas médiatiques –, combien y a-t-il de victimes, de blessés, d’handicapés de la route chaque année avec leur lot de terribles conséquences pour les familles ? Bien plus nombreux que les victimes du terrorisme.

Le terrorisme est une arme psychologique. Il frappe spectaculairement avant tout des symboles du pouvoir ou de la culture du pays à combattre : le WTC et le Pentagone aux USA lieux des pouvoirs financier et militaire, « Charlie Hebdo » pour ses caricatures, le « Bataclan » pour le modèle culturel qu’il représente, le Musée juif de Bruxelles contre la communauté juive, etc.

Sur un plan purement stratégique, ces frappes n’ébranlent pas – ou très peu – l’infrastructure de base de l’Etat et de sa défense. Elles frappent les opinions. Leur surmédiatisation y contribue largement, d’ailleurs. Cette surmédiatisation a d’ailleurs comme objectif la manipulation de l’opinion publique.

Les actes terroristes sont avant tout des messages destinés aux Etats où ils se produisent. Ils peuvent constituer un avertissement ou des représailles de la part de la puissance qui les fait commettre. Ils sont l’œuvre de l’Etat profond ou d’une nouvelle forme de puissance structurée : l’Etat terroriste, comme le fameux Etat islamique. Ils sont donc un instrument de ce qu’on appelle « la diplomatie parallèle » et non des actes de guerre comme on veut le faire accroire.

Le terrorisme : un levier !

Alors, pourquoi ? Parce que l’Etat « victime » se sert du terrorisme pour imposer des mesures qu’il ne pourrait jamais appliquer en des circonstances ordinaires.

C’est le cas du fameux « Patriot Act » pris sous la présidence de George W Bush après les attaques du 11 septembre 2001. Il y a bien des points communs avec l’Etat d’urgence proclamé par François Hollande après les massacres du 13 novembre 2015. Et c’est cela qui est inquiétant.

Le USA PATRIOT Act est une loi antiterroriste qui a été votée par le Congrès des États-Unis et signée par George W. Bush le 26 octobre 2001.

Dans la pratique cette loi autorise les services de sécurité à accéder aux données informatiques détenues par les particuliers et les entreprises, sans autorisation préalable et sans en informer les utilisateurs.

- Le Patriot Act renforce les pouvoirs des agences gouvernementales (FBI, CIA, NSA et armée) et réduit les droits de la défense.

- Il crée les statuts de "combattant ennemi" et de "combattant illégal", utilisé notamment pour les détenus de Guantanamo et qui peuvent être détenus indéfiniment.

- Il prévoit que toute intrusion dans un système informatique peut être assimilée à un acte de terrorisme.

- Il autorise le FBI à épier la circulation des messages électroniques et à conserver les traces de la navigation sur le Web de toute personne suspectée de contact avec une puissance étrangère.

- En août 2006, une juge fédérale a déclaré contraire à la constitution les écoutes téléphoniques et a ordonné l'arrêt du programme secret de surveillance intérieure de la NSA. La loi autorisait la mise sur écoute de toute personne ayant un rapport proche ou lointain avec une personne présumée terroriste. Après les révélations d’Edward Snowden, on a vu ce que cela a donné !

- Une disposition autorisant l'administration à avoir accès aux bases de données des bibliothèques et des libraires a été supprimée par un amendement.

Et il existe une autre loi qui a été prise dans la foulée du 11 septembre en même temps que la proclamation de l’état d’urgence et qui est bien moins connue du public européen, c’est l’AUMF (Authorization for Use Military Forces) votée par le Congrès des Etats-Unis le 14 septembre 2001. Cette autorisation permet toute intervention militaire dans le cadre de la répression des attentats du 11 septembre à l’extérieur des Etats-Unis. On a voulu élargir la portée de cette autorisation, mais les diplomates s’y sont opposés estimant que ces interventions sont contreproductives. Néanmoins, comme l’écrit Peter Dale Scott dans L’Etat profond américain : « La récente intensification du militarisme de ce pays [les USA] découle en grande partie de « l’état d’urgence » décrété le 14 septembre 2001 et renouvelé chaque année par le Président. »

Quelques années après, Julian Assange au moyen de son réseau Wikileaks a pu donner les preuves des interventions criminelles de l’armée et des services secrets américains en Irak. Et ensuite, Edward Snowden dénonça preuves à l’appui la « surveillance générale » et mondiale instaurée par la NSA, une des plus importantes agence américaine.

En France, l’état d’urgence ne va pas aussi loin, parce qu’elle ne dispose pas des moyens équivalents à ceux des Etats-Unis et aussi, car l’opinion publique n’accepterait pas l’extension des pouvoirs de l’armée. Mais l’état d’esprit est le même : restreindre les libertés sous prétexte de lutte contre le terrorisme.

Confusion entre l’état d’urgence et la lutte contre le terrorisme

Comme le rappelle Charlotte Girard, maître de conférence en droit public à l’université Paris-X dans « Libération » du 25 janvier : « Toutes les constitutions prévoient des mesures d’exception, même si leur nom peut varier d’un pays à l’autre. (…) Leur mise en œuvre et leur mode de renouvellement dépendent des régimes juridiques propres à chaque pays. Ces mesures sont prises quand la sécurité de l’Etat est menacée par un péril imminent, terroriste, mais aussi environnemental. » Ce sont les Parlements qui décrètent l’état d’urgence dans tous les pays démocratiques, même aux Etats-Unis avec le Patriot Act, à l’exception notable de la en France où c’est le Président de la République qui décrète l’état d’urgence.

L’universitaire s’inquiète d’une évolution dangereuse : il y a une forme de normalisation de la réaction des Etats face au terrorisme. « Il y a une confusion entre l’état d’urgence et la lutte contre le terrorisme, qui brouille la séparation des pouvoirs. Le Patriot Act a donné le la après le 11 septembre. On a ensuite vu ce système se perpétuer dans le temps et dans l’espace, notamment en Europe et dans les pays du Maghreb. Ce pack sécuritaire antiterroriste revêt toujours les mêmes formes. »

Charlotte Girard pointe la les mesures contre les flux migratoires, l’extension des pouvoirs des services de renseignement et de la police mettant ainsi le juge à l’écart, notamment en matière de perquisitions, de gardes à vue, de mises en résidence surveillée, etc. Cela bouleverse la séparation des pouvoirs « avec la captation du pouvoir normatif par l’exécutif et l’éloignement de l’autorité judiciaire » Et dans les Etats fédéraux ou décentralisés, le pouvoir de décision est confisqué au profit du pouvoir exécutif central. Et elle conclut par ce constat : « La nouveauté actuelle réside dans le double langage : nous sommes toujours en démocratie, tout en appliquant des mesures qui ne relèvent pas de ce régime. La réaction au terrorisme a pour effet de renverser la hiérarchie des normes : il s’agit désormais de préserver la sécurité au détriment de la liberté. »

Le gouvernement de Manuel Valls veut prolonger l’état d’urgence décrété en novembre dernier de trois mois et François Hollande souhaite l’inscrire dans la Constitution, donnant ainsi la possibilité de le rendre permanent.

Merci les terroristes !

Certes, face aux attaques meurtrières, à l’exception de quelques extrémistes, personne ne conteste la nécessité de prendre des mesures exceptionnelles et temporaires pour assurer un minimum de sécurité et éradiquer ces bandes redoutables de voyous terroristes.

Cependant, on observe que ces mesures ne sont guère temporaires. Alors, pourquoi ? Est-ce vraiment le terrorisme que l’on combat, ou autre chose ?

On en a déjà eu un aperçu lors de la COP 21. Des militants écologistes ont été mis en résidence surveillée sans aucune décision judiciaire motivée.

Bientôt, ce sera le tour de tout militant jugé « dangereux » par le pouvoir. Or, avec le train de mesures antisociales en préparation en France, notamment sous la férule du banquier Macron, il faut s’attendre à des mouvements sociaux de grande ampleur dans tous les secteurs et dans plusieurs catégories de travailleurs. L’état d’urgence et son train de mesure sera donc bien utile !

Et chacun sait qu’un pouvoir fort sonne le glas d’un Etat fort.

Merci les terroristes !

Pierre Verhas - 26 janvier 2016