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Ce dimanche 2 juillet : un congrès « décisif » décidé dans l'urgence, se déroulant dans un endroit impossible, alors que l'enjeu est la survie d'un Parti fondé il y a près de 125 ans, accouchant d'une résolution minimaliste qui ne satisfait personne, avec en prime, le discours lénifiant d'un président en bout de course.

 

Elio Di Rupo fustige la trahison du CDH, dénonce les égarements de certains, prétend que le PS est le seul parti à se remettre ainsi en cause, va même jusqu'à dire : « Le socialisme ne meurt jamais ! ».

 

Il dénonce le néolibéralisme, alors qu'il a pris des mesures antisociales très douloureuses lorsqu'il était Premier ministre. Il avait osé déclarer face aux conséquences de ses décisions : « Mon cœur saigne ! ». Pathétique !

 

 

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Elio Di Rupo au Congrès du PS du 2 juillet : un discours à côté de la plaque

 

« Le socialisme ne meurt jamais ! »

 

Aucune remise en question ! Aucune autocritique ! Ce sont quelques « vilains » qui ont tout gâché. Il ne s'alarme pas. « Le socialisme ne meurt jamais ! ». Il omet cependant d'ajouter que c'est le Parti socialiste ou prétendu tel qui meurt.

 

Le congrès était statutaire, donc à huis clos. Pensez ! Si les médias avaient été présents au cas où des délégués se seraient permis de contester bruyamment... Le résultat : 52 % des délégués votent une résolution minimaliste de limitation financière du cumul des mandats, alors que 48 % réclamaient le décumul intégral. Comme l'a déclaré un militant : « Bientôt, ils n'auront rien à cumuler, parce qu'ils ne seront plus élus ! »

 

Il est vrai que le dernier sondage est catastrophique : le PS s'effondre en Wallonie et à Bruxelles au profit du PTB, le parti d'extrême-gauche qui monte et qui devient le premier parti de Wallonie et qui dépasse largement le PS à Bruxelles. Du jamais vu !

 

Voilà le triste résultat du Congrès du PS à Boussu lez Walcourt, petite bourgade du Hainaut, près du lac de l'Eau d'Heure.

 

Ce n'est pas, comme l'espéraient certains : « Groupons-nous et demain », c'est plutôt « L'éruption de la fin ».

 

Voilà l'état actuel du Parti socialiste francophone belge.

 

Tout cela, cependant, fait partie d'un phénomène général de déclin, voire de début de disparition de la social-démocratie en Europe. Mais il faut bien avouer qu'en l'occurrence les Socialistes belges francophones y vont fort.

La défaite cinglante du PS français aux dernières élections, les « affaires » qui paralysent le PS francophone belge, après l'effondrement du PASOK grec, la quasi disparition des sociaux-démocrates aux Pays-Bas, la montée de Podemos en Espagne au détriment du PSOE, la marginalisation des sociaux-démocrates allemands sont des faits qui ne trompent pas : la social-démocratie est sans doute à la fin de son parcours.

 

Depuis plusieurs mois, « Uranopole » a envisagé la possibilité d'une disparition de la social-démocratie du paysage politique européen. Si on veut comprendre ce bouleversement historique, c'est d'abord à l'échelle européenne qu'il faut l'appréhender.

 

La social-démocratie sur la défensive

 

Le déclin a commencé au début des années 1980, les années Reagan – Thatcher où le néolibéralisme a commencé à s'imposer dans quasi tout le monde occidental. C'était aussi le second choc pétrolier qui eut des conséquences bien plus sérieuses que le premier. Le chômage n'a cessé d'augmenter, les entreprises fermaient les unes après les autres, les déficits publics prenaient des proportions de plus en plus inquiétantes. L'Etat social commençait à se déliter.

 

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Tony Blair qui a succédé au conservateur John Major a préconisé la "troisième voie", c'est-à-dire l'alignement sur le néolibéralisme et l'atlantisme.

Les mouvements sociaux sont passés de la revendication à la défense de l'emploi. Dès lors, la social-démocratie s'est mise sur la défensive. Elle ne pouvait plus rien élaborer. Elle n'avait plus de projet crédible. Et surtout, elle n'avait plus l'initiative. Aussi, le « socialisme » de gouvernement n'a rien fait pour endiguer la vague néolibérale, il l'a au contraire alimentée et avec efficacité en plus. Ce fut la « troisième voie » de Tony Blair et la politique « sociale libérale » de Gerard Schröder qui donna cette orientation aux sociaux-démocrates européens.

 

Comment en est-on arrivé là ?

 

La première cause est la désindustrialisation de l'Europe qui a détruit des centaines de milliers d'emplois. La classe ouvrière des années 1960-70 s'est profondément transformée. Elle a progressivement été remplacée par la masse de travailleurs issus de l'immigration qui, eux aussi, ont subi les effets du démantèlement du tissu industriel. Ensuite, les délocalisations et les bouleversements technologiques ont détruit un nombre considérable de postes de travail. Outre, ce bouleversement de la structure sociale, la nature même du rapport de force capital/travail a fondamentalement changé au profit du premier. Enfin, la globalisation a eu pour conséquence d'affaiblir considérablement le poids des politiques.

 

Les sociaux-démocrates et l'Europe

 

Des changements aussi profonds ne se font pas en un jour. Ils étaient donc prévisibles. Or, les sociaux-démocrates semblent n'avoir rien vu venir. Ce n'est pas tout à fait exact. Il y eut parmi eux des intellectuels et des militants qui ont averti et qui ont proposé des solutions. On pense, entre autres, à feu Raymond Rifflet et à feu Ernest Glinne qui plaidèrent la construction urgente d'une Europe démocratique et sociale. Nous l'avons signalé à plusieurs reprises : tout en n'étant pas opposé à la construction européenne, Pierre Mendès-France a averti que telle qu'elle était envisagée, la Communauté européenne était un projet politique libéral.

 

 

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Raymond Rifflet fut un des rares à estimer que le Socialisme ne pouvait réussir que dans une Europe unie.

 

On observe que jamais un dirigeant socialiste européen n'influa sur la construction européenne. On ne peut pas dire, par exemple, que Spaak fut un Socialiste. Quant à François Mitterrand, il fut avec le chancelier CDU Helmut Kohl, la cheville ouvrière du traité de Maastricht qui mit sur pied l'Europe néolibérale. Willy Brandt, lui, était – à juste titre – bien plus occupé par la détente entre les deux blocs en Europe. Ah oui ! Jacques Delors. Tout d'abord, il n'est pas socialiste, mais démocrate-chrétien. Ensuite, il n'a pu réussir le deal : le marché unique contre l'Europe sociale.

 

Et à Maastricht, les Socialistes ne parvinrent pas à obtenir l'harmonisation fiscale. Or, aujourd'hui, on s'aperçoit qu'elle aurait été indispensable. Non, ils ont laissé filer l'Union européenne vers l'ultralibéralisme. On sait ce que cela a donné ! Aujourd'hui, les sociaux-démocrates sont enfermés dans le carcan des traités budgétaires qui les condamnent à mener des politiques d'austérité drastiques lorsqu'ils sont au pouvoir. Aussi, plus question de social !

 

Cela s'inscrit dans le cadre plusieurs capitulations de la part des sociaux-démocrates au pouvoir qui ont commencé en France en 1982 avec le fameux « tournant de la rigueur ». Les socialistes belges après avoir procédé à la régionalisation du royaume, ont présidé aux privatisations successives des services publics dès le début des années 1990, notamment par la loi de 1991 sur les entreprises publiques qui ouvrait la porte à leurs privatisations. Lorsque Di Rupo présida le gouvernement fédéral de 2011 à 2014, il procéda à la régionalisation d'une partie de la sécurité sociale, alors que le PS avait promis que l'Etat providence resterait de compétence nationale. Ensuite, et cela lui coûta très cher, il accepta de durcir le régime des chômeurs qui conduisit à l'exclusion de milliers d'entre eux.

 

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François Mitterrand fit le tournant de la rigueur de 1982 et fut un des piliers du traité de Maastricht qui introduisit le néolibéralisme en Europe.

 

Du social au sociétal

 

La réponse de certains sociaux-démocrates comme les Fançais, fut de passer du social au sociétal. Même sur le plan politique, les sociaux-démocrates français ont changé de paradigme, sous l'influence du think tank « Terra nova », lui-même héritier de la fameuse Fondation Saint-Simon censée réconcilier la gauche avec le capitalisme. Terra nova a préconisé le changement de base électorale. Partant du constat du déclin de la classe ouvrière, les « penseurs » préconisèrent de se tourner vers les « bobos », les « minorités » ethniques et sexuelles en prônant des réformes sociétales. C'est ainsi qu'est né le mouvement « Manif pour tous » suite à l'adoption du mariage homosexuel, mouvement qui a réveillé la droite la plus réactionnaire.

 

Pendant ce temps-là, le gouvernement socialiste français prenait les mesures technocratiques dictées par l'Union européenne et poussées par le MEDEF, le patronat français. Cela a abouti à une rupture avec la classe ouvrière et même le monde du travail en général. souvenons-nous des manifestations contre la loi El Khomri.

 

Le résultat électoral fut évidemment catastrophique pour le PS : désertion de la classe ouvrière et de la classe moyenne vers France insoumise de Mélenchon et l'extrême-droite Le Peniste, sans compter les classes moyennes supérieures qui se sont orientées vers Emmanuel Macron. Enfin, le PS s'est divisé pendant la campagne électorale présidentielle entre les partisans de Macron et ceux de Benoît Hamon.

 

Emmanuel Macron est le prototype de ce que les marxistes appellent la « collaboration de classe ». Les sociaux-démocrates qui ont cédé au chant des sirènes néolibérales s'accommodent parfaitement d'un tel personnage. Mal leur en prit : il les a mis à terre lors des dernières élections françaises.

 

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Emmanuel Macron a mis le PS à terre et s'apprête à démolir l'Etat social en France.

 

Aujourd'hui, la France est en train de vivre la naissance d'un régime autoritaire dont l'objet est d'installer un régime ultralibéral. Le PS est devenu une petite formation, la gauche est minorisée et divisée.

 

L'ivresse du pouvoir

 

Quant à la Belgique, le PS s'est emmêlé dans deux scandales successifs : les magouilles de l'entreprise semi-publique liégeoise Publifin et, le pire de tous, les détournements de fonds et les octrois de privilèges au Samusocial de Bruxelles.

 

Le rédacteur en chef du quotidien financier l'Echo, Joan Condijts, a écrit :

 

« L'ivresse du pouvoir les a aveuglés jusqu'à la compromission, sinon la négation de leurs propres principes. Autrefois louangée pour son efficacité, la discipline d'appareil les a perdus à mesure que cet instrument de cohésion se muait en tour d'ivoire. Enfin, confusion ultime et choquante, l'estompement moral et le culte de l'obéissance ont masqué l'enchevêtrement des intérêts collectifs et individuels. Et des mandataires se sont goinfrés sur le dos de la bête publique, pendant qu'au mieux, leurs coreligionnaires détournaient le regard. Le résultat est là, sous nos yeux: clientélisme électoral, exacerbation du communautarisme musulman, construction économique boiteuse, indécence pécuniaire. »

 

On ne peut que souscrire à cette analyse sans concession.

 

Mais quelles en sont les causes ? Cette succession de scandales est liée aux renoncements sur le plan idéologique et à l'usure du pouvoir. Le PS a été au pouvoir fédéral de 1988 à 2014 sans discontinuer et dans les entités fédérées quasi sans interruption depuis trente-cinq ans. Il est fatal qu'il perde sa radicalité et son âme.

 

Le mensonge permanent

 

L'ancienne éminence grise du PS déchue aussi par les « affaires », Merry Hermanus, exprime sa colère sur son blog :

 

« Le péché originel du socialisme démocratique est le décalage permanent entre les actes et le discours. Oui ! Il faut l'avouer nous vivons sur un mensonge permanent... On explique qu'on va renverser la table mais depuis près d'un siècle, on ne fait que changer les couverts de place, varier les convives, modifier les parts de chacun, améliorer les plats, la teneur en graisse ou en sucre... mais renverser la table ! Jamais ! (...)

Aujourd'hui, ce décalage entre les faits, les actes et le discours est devenu insupportable tant il confine à l'hypocrisie pure et simple. J'ai toujours éprouvé une sorte de honte, un malaise quasi physique lorsqu'à la fin des congrès du PS on chantait l'internationale, certains le poing levé... véritable imposture dans la mesure où le chœur était composé de gens pour qui le terme même de révolution était une incongruité... pour ne pas évoquer la pratique ! »

 

La trahison des clercs

 

Nous vivons au sein du mouvement socialiste la trahison des clercs, le renoncement aux fondamentaux, une véritable « mafieusation » des pratiques. Tout cela ne peut mener qu'à une chose : l'agonie.

Face à cette tragédie, bien des voix s'élèvent pour le changement, mais si certains font des analyses sans concessions comme nous venons de le lire, nul n'apporte une réponse adéquate à cette question : le socialisme qui, en principe, « ne meurt jamais », a-t-il un avenir ?

 

Nous pensons que oui. Mais sous une toute autre forme. Le mouvement doit retrouver sa radicalité, il doit renouer sans honte et résolument avec le peuple. Et ce n'est pas dans des cénacles composés de jeunes cadres désemparés du parti qu'on y arrivera, c'est sur le terrain des luttes avec la base.

 

Certains devraient se poser la question : cette présence sur le terrain est la force du PTB désormais redouté. Or, le mouvement socialiste compte des organisations de terrain : elles s'appellent les syndicats et les mutuelles, mais dont certains éléments se détournent du parti. Alors, qu'attendons-nous pour retourner sur ce terrain que nous avons déserté depuis si longtemps, avant qu'il ne soit trop tard ?

 

Pierre Verhas

 

Bron: http://uranopole.over-blog.com/2017/07/les-partis-socialistes-l-eruption-de-la-fin.html