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« Ma maman, 85 ans, Espagnole d'origine: " priez et faites tout ce que vous pouvez pour empêcher la Catalogne de sombrer dans la guerre civile. La dernière fois, ça a été l'antichambre de la seconde guerre mondiale. Nous pleurerons tous nos mort qu'ils soient Catalan, Espagnol, Français ou autre, parce que la guerre c'est l'horreur ! »

 

Ces propos ont été rapportés par la maman d'un ami catalan français vivant à Perpignan. Ils traduisent la grande inquiétude de beaucoup d'habitants de cette région du Sud Ouest de l'Europe suite au réveil du mouvement indépendantiste catalan et à la répression du gouvernement conservateur – postfranquiste de Mario Rajoy. Ils ravivent des souvenirs tragiques et il faut bien dire que ni Madrid, ni la Generalitat (le gouvernement catalan) ne font rien pour calmer les choses.

 

Cette répression fait suite à la décision prise par la Generalitat d'organiser un référendum sur l'indépendance de la Catalogne. Elle se traduit par l'occupation des bureaux de vote par la Guarda civil, l'arrestation des maires ayant accepté d'organiser le référendum dans leurs communes et par la saisie du matériel électoral, à la fin de rendre impossible la tenue de ce scrutin.

 

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Madrid a ordonné une sévère répression en Catalogne suite à la décision de la Generalitat d'organiser un référendum sur l'indépendance.

 

Un mouvement indépendantiste en expansion

 

La Catalogne bénéficie d'un statut particulier en Espagne, appelé le statut d'autonomie de la Catalogne qui est une loi organique régissant, dans le cadre de la constitution espagnole de 1978, l'organisation institutionnelle de la Catalogne, en Espagne. Le statut de la Catalogne accorde l'autonomie à la communauté autonome de Catalogne. Il fixe les compétences du gouvernement régional et de l'État espagnol.

 

Le statut actuel s'inscrit dans la continuité de statuts précédents : le premier, rédigé sous la Seconde République espagnole en 1932, resta officiellement en vigueur jusqu'en 1939 et la chute de la Catalogne, lors de la guerre d'Espagne. En réalité, il avait été supprimé en mai 1937 par le gouvernement républicain réfugié à Valence qui a organisé sous la pression des communistes staliniens une terrible répression plaçant ainsi la Catalogne sous tutelle. Ces événements sont narrés par George Orwell dans son ouvrage sur la guerre d'Espagne, Hommage à la Catalogne.

 

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Fac similé de la couverture du livre reportage de George Orwell sur la Catalogne pendant la guerre d'Espagne. Ce livre permet de comprendre la situation actuelle.

 

Le second, appliqué à partir de 1979, dans le contexte de la Transition démocratique, resta en vigueur jusqu'en 2006. La proposition d'un nouveau statut d'autonomie, approuvée par le Parlement de Catalogne le 30 septembre 2005, fut transmise au Congrès des députés, où il fut accepté le 30 mars 2006, puis au Sénat, où il fut approuvé le 10 mai 2006. Un référendum tenu en Catalogne le 18 juin 2006 confirma le texte, qui fut promulgué par le roi Juan Carlos et publié par la loi organique 6/2006 du 19 juillet 2006. Le statut actuel est en vigueur depuis le 9 août 2006.

 

Depuis, des escarmouches ont eu lieu entre le gouvernement de Madrid et celui de Barcelone. Mario Rajoy ne fit que durcir sa position. Un référendum sur l'indépendance éventuelle de la Catalogne fut organisé dans 169 communes catalanes le 13 septembre 2009. Le « oui » à l'indépendance l'emporta à 95 %. Cependant seulement un tiers des électeurs se sont exprimés.

 

A la fin du mois de juin 2010, après quatre années de délibération, le Tribunal constitutionnel espagnol déclara illégal le statut d'autonomie de 2006. Une manifestation nationaliste fut organisée le 9 juillet 2010 et rassembla un million de personnes à Barcelone. Des élections eurent lieu pour renouveler le Parlement catalan et les autonomistes l'emportent. Artur Mas, un nationaliste libéral, devient président de la Generalitat.

 

Le 11 septembre 2012, une nouvelle manifestation fut organisée à Barcelone. Elle rassembla 1,5 million de personnes et la revendication posée fut un la création d'un Etat catalan dans l'Union européenne. Le président de la Commission européenne de l'époque, José Manuel Barroso, fit savoir que l'Union européenne n'accepterait pas comme membre une Catalogne indépendante. La crainte d'un éclatement des Etats-nations composant l'Union était très vive. Et l'éventuelle indépendance de la Catalogne pourrait constituer un défi fondamental à l'UE.

 

L'année suivante, toujours le 11 septembre, il y eut encore une immense manifestation intitulée la « voix catalane vers l'indépendance » qui a traversé toute la Catalogne depuis le Perthus à la frontière française jusqu'à Vinàros près de Valence.

 

 

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Une des manifestations de masse des indépendantistes catalans

 

Le président de la Generalitat, Artur Mas décréta avec cinq partis sur les sept que compte le Parlement catalan, une nouvelle consultation populaire le 9 novembre 2014. Là aussi, un tiers des électeurs se sont exprimés. Ce référendum est déclaré illégal par le gouvernement espagnol et suite à un compromis entre la Generalitat et le gouvernement de Mario Rajoy, de nouvelles élections régionales sont organisées le 27 septembre 2015 où les indépendantistes obtiennent un résultat mitigé. Artur Mas a été remplacé par Carles Puigdemont.

 

Entre temps, les élections municipales du 24 mai 2015 ont amené à la mairie de Barcelone la militante de Podemos Ada Calau qui ne soutient pas le mouvement indépendantiste. Elle s'est particulièrement penchée sur la question du logement et sur l'accueil des migrants. Elle a refusé de faire une surenchère sécuritaire après l'attentat du camion fou dans les Ramblas au mois d'août dernier.

 

Suite à la décision d'organiser un nouveau référendum sur l'indépendance catalane le 1er octobre prochain qui a été déclaré illégal par le Tribunal constitutionnel, Madrid s'est livré à une féroce répression : occupation des bureaux de vote par la Guarda civil, saisie du matériel électoral, arrestations de maires et de fonctionnaires qui se chargent d'organiser ce scrutin.

En effet, le 20 septembre, une vingtaine de hauts fonctionnaires catalans ont été arrêtés et leurs locaux perquisitionnés. Toute l'équipe chargée de l'infrastructure pour le référendum du 1er octobre est emprisonnée. Dix millions de bulletins de vote ont aussi été saisis dans des imprimeries, ainsi qu'une grande quantité d'imprimés relatifs au scrutin. Les propriétaires de ces imprimeries, eux aussi arrêtés.

 

C'est du jamais vu... depuis Franco !

 

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Le 20 septembre, des milliers de gens se sont rassemblés pour réclamer l'arrêt de la répression.

 

Face à cette répression et à sa réticence à l'égard du référendum, Ada Calau a réagi. Elle demande une négociation bilatérale entre le gouvernement Rajoy et la Generalitat. Elle a expliqué au journal « Le Monde » du 16 septembre :

 

« Il y a une demande légitime, celle des centaines de milliers de personnes qui sont sorties dans la rue de manière civique et pacifique durant sept années consécutives [à l'occasion de la Diada, la « fête nationale » catalane] et celle des près de 80 % de Catalans qui demandent un référendum effectif. Ces personnes pensent que le cadre actuel de relation avec l'Etat espagnol est dépassé. Le gouvernement du Parti populaire a refusé de donner une réponse à cette demande, et ce blocage a produit un sentiment d'impuissance chez beaucoup de gens. Le gouvernement catalan a décidé de convoquer unilatéralement un référendum. Nous ne sommes pas d'accord avec cette décision, non pas parce qu'elle est illégitime, mais parce que le fait qu'elle soit unilatérale fait que beaucoup de Catalans ne se sentent pas inclus dans ce processus. Il faut reprendre le dialogue. Nous ne nous résignons pas à cette idée du choc frontal. Nous devons tous faire un effort pour revenir sur le terrain de la politique et du dialogue. »

 

 

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Ada Calau à la maire de Barcelone (photographie - Le Monde)

 

Les années noires du franquisme

 

D'un côté, la maire de Barcelone fustige la politique répressive du gouvernement espagnol qui rappelle les années noires du franquisme :

 

« La situation est très préoccupante. La seule réponse du gouvernement espagnol est judiciaire et répressive. Ce n'est pas seulement la décision de la Cour constitutionnelle, c'est aussi le parquet général qui a cité à comparaître des centaines de maires parce qu'ils se sont déclarés favorables au référendum, qui a interdit des réunions publiques, ordonné d'arracher des affiches... Tout cela, c'est un état d'exception. »

 

De l'autre, elle se montre très critique envers la Generalitat :

 

« Vous estimez que ce référendum n'est pas correct, car il exclut la moitié des citoyens, et vous appelez en même temps à y participer, avec le risque que le résultat affecte tous les Catalans...

 

Pour que le référendum soit reconnu comme contraignant, il faut auparavant qu'il y ait des règles du jeu acceptées par tous.

 

La Généralité dit qu'il sera contraignant...

 

Il faudra voir dans la pratique si cela est réalisable. Je crois que les conditions ne sont pas réunies. Pour être contraignant, il faut qu'un référendum soit reconnu, non seulement par l'Etat espagnol, mais aussi par la communauté internationale et surtout par la population. »

 

Vous ne pensez pas qu'il y aura une déclaration unilatérale d'indépendance si le oui l'emporte ?

 

Je crois que le gouvernement de la Généralité va comprendre qu'il ne peut pas gérer le résultat d'une manière qui ne contente que la partie indépendantiste. Ce serait une erreur de vouloir prendre une décision aussi importante si tous les citoyens catalans ne se sentent pas impliqués.

 

En Comu [le Podemos catalan] va-t-il donner une consigne de vote ?

 

Non. Notre formation est le seul espace politique transversal et pluriel qui reste en Catalogne, et nous en sommes fiers. Nous devons construire en conservant cette pluralité – indépendantistes, fédéralistes, ou ceux qui ne s'intéressent pas au sujet de la relation avec l'Etat. Dans notre formation, il y a des gens en faveur du oui et d'autres en faveur du non. »

 

Ada Calau souhaite que l'on conçoive d'une toute autre manière les relations entre les peuples qui composent l'Espagne. Elle explique :

 

« Est-il encore possible de rétablir les relations entre la Catalogne et le reste de l'Espagne ?

 

Il ne faut pas confondre l'Espagne, les Espagnols, les peuples, les villes, avec le gouvernement de l'Etat. Je suis très critique envers ceux qui, en Catalogne, parlent de l'Espagne comme d'un espace impossible à réformer. C'est une position réactionnaire. Cela fait deux ans que nous avons construit une alternative politique, y compris au niveau de l'Etat. Le PP gouverne, mais il est désormais en minorité. Le chef de file du Parti socialiste, Pedro Sanchez, s'est ouvert à parler de « plurinationalité » [existence de plusieurs nations au sein de l'Espagne] et défend un dialogue politique. »

 

Ainsi, au lieu du séparatisme pur et simple, la maire de Barcelone se rallie à la position du leader du PSOE : faire de l'Espagne un Etat où vivent ensemble plusieurs nationalités.

 

Cette affaire dont on ne peut prévoir l'issue doit interpeller tous les pays confrontés à des conflits régionaux et la Belgique, notamment.

 

La voie de la raison

 

On s'aperçoit que le séparatisme conduit à l'impasse. Si on prend le cas de la Belgique, les nationalistes flamands les plus virulents de la NV-A hésitent à franchir le Rubicon en proclamant unilatéralement l'indépendance de la Flandre. D'autre part, la situation belge est explosive, car le déséquilibre entre les trois régions (Flandre, Bruxelles, Wallonie) ne cesse de s'accentuer au profit de la Flandre. Dernièrement, la Wallonie a réussi à s'imposer politiquement aussi bien sur le plan belge qu'international en bloquant l'accord CETA pendant plusieurs semaines. C'est un élément nouveau qui va sans doute amener les responsables politiques à revoir la « lasagne institutionnelle » qu'est l'actuelle Belgique « fédérale ».

 

On remarque également que ce sont les régions les plus riches qui revendiquent leur indépendance : Ecosse en Grande Bretagne, Flandre en Belgique, Catalogne en Espagne, le Nord en Italie, etc. Cela constitue une menace certaine pour l'avenir de l'Union européenne.

 

Ainsi, l'affaire catalane va sans doute amener les Européens à une réflexion sérieuse sur l'avenir de l'Etat nation et des peuples qui les composent.

 

Ada Calau et la gauche espagnole sont les premiers à montrer la voie de la raison. Espérons que d'autres suivront cet exemple.

 

Ah oui ! J'oubliais ! Ce sont des extrémistes, paraît-il...

 

Pierre Verhas

 

Bron: http://uranopole.over-blog.com/2017/09/hommage-a-la-catalogne.html