Liège, 20/12/2017 - Incarcéré en Belgique, Erdal Gökoğlu a été extradé ce matin vers Aix-La-Chapelle (Aachen) en Allemagne sans même que nous puissions savoir s'il existe une possibilité de recours.
Sans même prévenir ses avocats!
Sans même pu recevoir une seule visite ou une seule lettre depuis son incarcération le 13 Novembre!
Alors qu'il est en grève de la faim depuis 38 jours...
Les autorités judiciaires européennes se lancent ainsi dans la piraterie en kidnappant et en s'échangeant des prisonniers politiques. Une honte pour nos «démocraties».
Officiellement reconnu comme réfugié depuis 2007, Erdal Gökoglu est demandé par l'Allemagne pour des activités culturelles anodines qualifiées de soutien à une organisation «terroriste» en vertu du paragraphe 129a du Code pénal allemand. Depuis le 13 novembre, il est détenu à la prison de Lantin où il subit des mauvais traitements. Contre toute logique, la cour d'appel de Liège a décidé de l'extrader vers l'Allemagne. Erdal Gökoglu mérite des conditions de détention dignes !
Palais de Justice Liège 12-12-2017
Mardi 12 décembre 2017
Une logique circulaire
L'Exécutif turc qualifie arbitrairement de "terroriste" un mouvement de résistance au régime Erdogan et un ancien résistant, réfugié en Belgique, est extradé, après un jugement sommaire où la justice belge s'est affranchi du devoir de la preuve, pour la simple organisation d'un concert. La décision arbitraire de l'Exécutif turc devient ainsi un référent juridique pour la justice belge qui passe même outre le droit d'asile ! Ironie de l'affaire, la Belgique avait accordé l'asile politique à Erdal Gökoglu précisément pour le protéger du régime qui étiquette cet opposant au régime turc de «terroriste» !
Délit d'opinion et d'appartenance
D'après Selma Benkhelifa, l'avocate de Erdal Gökoglu, «La Belgique vient d'entériner la définition allemande du terrorisme.
«Erdal Gokoglu est un activiste turc, reconnu réfugié en Belgique depuis 2002, suite à des persécutions et tortures subies dans les prisons turques.
«Il est sous le coup d'un mandat d'arrêt européen, pour les motifs que, selon le juge de Hambourg, Erdal serait un "fonctionnaire" dirigeant d'une organisation terroriste, le DHKP-C. Comme preuves de son implication dans cette organisation, le mandat cite le fait qu'Erdal a vendu des revues, organisé trois concerts du Grup Yorum, co-fondé une association culturelle et participé à une conférence à l'Université de Berlin. Circonstance aggravante, il était conférencier ce qui, toujours selon le mandat, "démontre son importance dans l'organisation".
«Ses avocats ont plaidé qu'aucun des comportements reprochés à Erdal ne pouvaient être (qualifiés terroristes). En démocratie, on a le droit de vendre des revues, d'organiser des concerts, d'être conférencier dans une université ou encore de fonder une association.
«Pourtant la justice belge a estimé que si ces activités intellectuelles étaient faites dans le cadre d'une organisation terroriste (pour les États turc et allemand), Erdal était terroriste.
«C'est un raisonnement circulaire contre lequel il est impossible de se défendre. "Il est terroriste parce qu'il a fait ces activités et ces activités sont terroristes parce qu'il est terroriste."
«Si même des comportements parfaitement normaux peuvent devenir terroristes, parce qu'un État décide –sans le démontrer– que vous les exercez dans un cadre terroriste, nous sommes alors dans un état policier, où toute activité autorisée peut devenir a posteriori suspecte et vous être reprochée.
«Ce que l'on peut faire ou ne pas faire n'est plus clairement défini et dépendra d'opinions politiques non étayées d'un procureur, sans qu'aucune défense ne soit permise.»