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80 ans après

Aujourd’hui, c’est le quatre-vingtième anniversaire du fameux appel à la Résistance du général de Gaulle lancé sur les ondes de la BBC à Londres.

Quoiqu’on pense de Charles de Gaulle, il faut bien admettre qu’il avait une extraordinaire vision des choses. En 1940, juste après la colossale défaite des armées françaises et anglaises en France, il a compris qu’il s’agissait d’une guerre mondiale et qu’Hitler ne pouvait être vaincu qu’avec une coalition des forces armées de tous les pays opposés à la pensée nazie. En 1945, dans son discours de Brazzaville, il a prédit la décolonisation ; lors de sa prise de pouvoir en 1958, le général savait que la seule solution était de mettre fin à la guerre d’Algérie en accordant l’indépendance à ce pays, en 1963, il s’est opposé à juste titre à l’entrée de la Grande Bretagne dans la Communauté européenne. En 1965, redoutant une domination étatsunienne trop forte en Europe, il prit ses distances à l’égard de l’OTAN. En 1968, après avoir cafouillé en mai, il gagne les élections législatives et puis conscient de l’importance de réformer la nation et la société, il propose la régionalisation, la réforme du Sénat, la participation des travailleurs dans le capital et la gestion de l’entreprise. Le référendum de 1969 a marqué la fin de son parcours politique.ob af1418 de gaulle
Dernier discours de Charles de Gaulle à Quimper en février 1969. Une vision mondiale et à travers le temps.

Un train en retard

De Gaulle – et c’est sans doute cela qui le rend aussi exceptionnel – n’a jamais pris le train en retard. Les politiciens n’avaient pas compris l’importance du programme qu’il proposait, ou bien, certains d’entre eux redoutaient son application. Pourtant, il avait compris qu’une réforme fondamentale était seule à même de redonner son aura à la France. Et c’est ce qu’on bien dû mettre en œuvre ses successeurs.

Ses successeurs ? Parlons-en.

Pompidou qui a ouvert la porte de l’Europe à la Grande Bretagne et qui a donné aux banques la gestion de la dette publique. On sait aujourd’hui ce que ces deux décisions ont donné !

Giscard d’Estaing qui a introduit le libéralisme en France avec les conséquences que l’on sait.

Mitterrand, ancien Croix de feu, ancien haut fonctionnaire de Vichy, fidèle ami de Bousquet, le responsable de la rafle du Vel d’Hiv’. Ministre de l’Intérieur, il a fait envoyer le contingent en Algérie pour réprimer brutalement la rébellion de ce qu’on appelait « les Musulmans ». Il a approuvé les tortures et les exécutions de militants du FLN, mais, incontestablement doté d’un don de manipulation politique, a réussi à représenter la gauche au point de se faire élire Président de la République, en son nom en 1981. Après avoir jeté de la poudre aux yeux avec quelques réformes sociales, il expulsa les communistes du gouvernement et mit en œuvre une politique ultralibérale qui convenait parfaitement aux bourgeois « Bohème » – les fameux « bobos » - qui recouvraient leur cupidité proverbiale d’un vernis progressiste où se mélangeaient écologisme, antiracisme de bon aloi et libération des mœurs.ob 3d8a82 jacques chirac et francois mitterrandJacques Chirac et François Mitterrand : aucun des deux n'a réussi à avoir une vision d'avenir.

Lors de la chute du Mur de Berlin que le locataire de l’Elysée n’avait pas prévu, il ne détecta pas le chemin ouvert au processus de réunification allemande ainsi que la chute de l'Union Soviétique. Il préféra soutenir des putschistes de l'Armée Rouge plutôt que Gorbatchev qui, lui, avait vu juste.

Après Mitterrand, Chirac, on peut lui reconnaître, a eu le courage d’avoir assumé la responsabilité de la France dans les persécutions antisémites, mais sa présidence fut sans aucune ambition. La montée de l’extrême-droite et la déliquescence de la gauche lui permirent de s’assurer un second mandat tout aussi médiocre. Il crut se renforcer en organisant un référendum sur la constitution européenne qui se solda par un camouflet déshonorant. Son successeur, Nicolas Sarkozy, un jeune bourgeois dévoré d’ambitions, mais sans aucune envergure, accentua l’affaiblissement de la France. Sur le plan social, la gauche n’a pas réussi à préserver les conquêtes sociales et la base même du programme du Conseil national de la Résistance. Elle apparut dénuée de toute ambition réellement réformatrice, donc inutile. Quant à François Hollande qui lui succéda par défaut, il accentua la dérive néolibérale prise en 1982, trente ans plus tôt, par François Mitterrand. Il dut céder sa place à un jeune banquier ambitieux mais sans envergure qui n’a comme adversaire réel que la représentante de l’extrême-droite.

Nul ne sait aujourd’hui si un mouvement en sens inverse se manifestera. L’échec général du réformisme ultralibéral a entraîné la France dans une régression sociale et économique sans précédent.

À la différence de de Gaulle, tous ses successeurs ont pris le train en retard, car ils n’eurent pas l’ambition et le courage d’avoir le regard plus loin que l’horizon. Tous s’appuyèrent sur l’Europe, cette construction pour toujours inachevée.

Et l’Europe ?

Parlons-en justement de l’Europe. Cette prétendue ambition, œuvre de deux politiciens français de seconde zone, Robert Schuman, ancien ministre du gouvernement Pétain, Jean Monnet, homme d’affaires et agent des services secrets étatsuniens, n’avait pour objet que de libéraliser le commerce au sein de la partie occidentale de l’Europe. Son élargissement d’abord à la Grande Bretagne, ensuite aux pays méditerranéens et par après aux anciens pays du « bloc communiste » n’eut pour objet que de créer une vaste zone de libre échange sur l’ensemble du continent européen.

ob 2381c6 jean monnet robert schumanJean Monnet et Robert Schuman, les "pères de l'Europe" n'avaient aucune ambition politique pour l'Europe. Ils souhaitaient en faire un satellite des USA et une zone de libre échange.

Cette Europe a échoué à répondre aux défis de l’Histoire. Qu’il s’agisse de son élargissement aux pays de l’Est, des défis posés par les bouleversements au Proche-Orient, des relations commerciales mondiales où elle n’opta que pour le dogmatique libre échange, de son économie interne, elle ne parvient à apporter aucune réponse tant elle est enfermée dans sa dogmatique du TINA ultralibéral.

C’est inquiétant, car où que l’on regarde sur le vieux continent, on ne voit naître aucun projet politique à même de répondre aux défis de l’Histoire, tant la classe dirigeante européenne est incapable de monter à l’heure dans le train.

Mais, il n’est point besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. Tiens ! On a entendu cela quelque-part…

Pierre Verhas

 

Source: http://uranopole.over-blog.com/2020/06/morceaux-d-humeur-du-18-juin-2020.html