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Le 2 septembre s’ouvrira à la Cour d’assises spéciale de Paris le procès des complices et compagnes des auteurs des attentats meurtriers des 7, 8 et 9 janvier 2015 contre l’hebdomadaire « Charlie Hebdo », de l’assassinat d’une policière municipale à Montrouge et du massacre de l’Hyper Casher de Vincennes.

Cinq ans après, que pourra apporter un procès qui ne condamnera que des seconds couteaux, tous les auteurs de ces actes criminels ayant été tués ? Pourtant, la Justice française attache à ce dossier une importance historique : les audiences prévues pour durer deux mois et demi seront filmées.

Fresque représentant les journalistes et dessinateurs tués lors de l'attaque contre "Charlie Hebdo" le 7 janvier 2015

Deux conceptions du monde

Une fois de plus, ce sera un débat entre deux conceptions du monde en conflit : la société occidentale sécularisée et les sociétés fondées sur la religion, ou entre l’universalisme laïque et le communautarisme. Les deux se considèrent comme supérieures et détentrice de cette valeur suprême : « La civilisation » … En plus, sur le plan historique les Européens ont colonisé au XIXe siècle l’Afrique, le Moyen-Orient et une partie de l’Asie. Les guerres de décolonisation qui se sont soldées dans les deux décennies qui ont suivi la Seconde guerre mondiale par le retrait des Européens, ont généré ce qu’on appelle le néocolonialisme – c’est-à-dire le pillage encore plus intense des ressources des anciennes colonies – et une véritable guerre idéologique entre deux visions opposées du monde.

Est-ce le fameux « choc des civilisations » cher aux néoconservateurs américains ? Non, car les « civilisations » entretiennent des relations entre elles depuis des siècles. En réalité, on peut se demander si « civilisation » est un concept réel. Il n’y a pas de rapports de forces entre elles, mais entre des peuples qui ont des intérêts divergents et qui ont chacun leur propre culture. Dans ce rapport de force s’est introduit la religion. Et là, le conflit prend une autre nature. La religion sert en effet d’arme idéologique, car, qu’il s’agisse de l’Islam ou de la Chrétienté, la religion monothéiste est prosélyte et veut imposer sa vision au reste du monde.

Dès lors, deux questions se posent en ce débat parmi les plus tendus de notre temps. La première est posée par Pierre Kompany, bourgmestre belgo-congolais de la commune bruxelloise de Ganshoren et père du célèbre footballeur dans un article de la « Libre Belgique » du 22 août 2020 : « Il est regrettable que les Belges soient allés au Congo avec un objectif civilisationnel en disant ‘je te civilise’, cela n’a pas de sens. Ils auraient pu dire ‘une culture en vaut une autre’. Les Noirs que les Occidentaux ont rencontrés dans les forêts du Congo avaient des ancêtres qui venaient d’Egypte. Et en Egypte, ils avaient une civilisation brillante alors qu’ici, en Europe, au même moment, il n’y en avait pas. »

Pierre Kompany, le bourgmestre belgo-congolais de la commune bruxelloise de Ganshoren critique le colonialisme belge.

La laïcité est un pur produit occidental. Elle est issue des Lumières européennes. Comme nous l’avons déjà écrit, elle a plusieurs patronymes dont celui de la libre pensée. À l’époque coloniale elle a tenté d’installer ses principes dans les colonies – par opposition à la mission évangéliste chrétienne –, mais sans prendre en compte les cultures des peuples des pays colonisés. Certes, la laïcité n’est pas un prosélytisme. Elle est avant tout une méthode dont l’objet est de permettre à l’être humain de penser librement au-dessus des contraintes politiques et religieuses. Mais, cette méthode est un fruit occidental. Elle ne se retrouve dans aucune autre philosophie. C’est pourquoi, si son objet est universel, elle ne réussira jamais à s’imposer hors de l’Europe, ni même dans le monde anglo-saxon qui a choisi une autre voie.

Laïcité et religion(s)

La seconde question est posée par la relation entre la laïcité et la religion, ou les religions. En France, la fameuse loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat a clairement tracé la frontière entre l’action publique et le rôle évangélisateur du clergé. D’un côté comme de l’autre, cette loi a instauré un équilibre qui maintient à la fois la paix civile et la légitimité républicaine. Par deux fois, des responsables politiques ont tenté de rompre cet équilibre : Mitterrand en 1981 avec un projet de loi de laïcisation de l’enseignement qu’il a été contraint de retirer à la suite des réactions virulentes de l’Eglise et de la droite et Sarkozy en 2007 avec un discours prononcé à Latran où il affirma accorder plus d’importance au « curé qu’à l’instituteur ». Autrement dit : placer la laïcité au second plan. Tentative avortée, également.

Nicolas Sarkozy à Latran le 20 décembre 2007 remet en question la loi de séparation entre l'Eglise et l'Etat de 1905.

En Belgique, nous vivons sous un régime à la fois concordataire et de séparation. Les cultes sont reconnus par la loi et financés par l’Etat. Cependant, l’Eglise – essentiellement catholique – n’est représentée dans aucun corps public sauf les Fabriques d’Eglise locales qui ont été fondées par un décret napoléonien de 1814 ! Et on s’aperçoit que par ce financement de cultes, l’Eglise catholique se taille la part du lion. Dès les années 1990, les laïques ont souhaité avoir leur dû et se sont ainsi assimilés à un culte ! Ce qui est pour le moins paradoxal !

L’hebdomadaire « Le Point » publie dans sa livraison du 13 août 2020 une interview de Me Richard Malka, l’avocat de « Charlie Hebdo ». Ses propos interpellent en ce sens qu’ils ouvrent un débat fondamental entre la coexistence entre les religions monothéistes – l’Islam en particulier – et la Laïcité. C’est l’objet de ce procès selon cet avocat et il a raison. À quoi sert, en effet, de juger spectaculairement des sous-fifres qui n’apporteront pas d’éléments nouveaux sérieux en cette affaire et qui tenteront d’échapper à leur culpabilité ? Remarquons au passage que dans la plupart des cas, l’issue de ces attaques se solde par la mort de leurs auteurs. Lors des attaques du 13 novembre 2015 à Paris contre le Stade de France, le Bataclan et les terrasses, tous les protagonistes ont été tués à une exception près. Leur chef, le belge Abaaoud, a été « descendu » à Saint-Denis le 18. Sans tomber dans le « complotisme », on peut s’étonner de cette propension des forces de sécurité à abattre les auteurs de ces crimes. Abaaoud ne semblait pas être un second couteau. Le capturer aurait sans doute été très intéressant pour les services secrets français et pour la Justice. Le seul « rescapé » de cette aventure est Salah Abdeslam qui a été arrêté à Bruxelles trois mois après. Ce dernier était le « logisticien » de la bande et n’a toujours pas pipé mot. Normal : il sait ce qu’il risque : ses « vrais chefs » sont toujours dans la nature… Aussi, simple question : n’est-ce pas eux qu’il faudrait capturer ?

Me Richard Malka, l'avocat de "Charlie Hebdo" pose les bonnes questions.

Mais, revenons au débat ouvert par Me Malka. Je n’ai pas l’habitude sur ce blog de parler de ma petite personne. Ici, je fais une exception pour que le lecteur comprenne : « Je ne suis pas Charlie ». L’évolution de cet hebdo vers un conformisme libéral-libertaire depuis le licenciement de Siné soi-disant pour antisémitisme à la suite de la prise de contrôle de cet hebdomadaire par un homme du pouvoir, Philippe Val, était plus que déplaisante. J’ai considéré aussi que Charlie exagérait avec ses caricatures antimusulmanes. S’il a réagi courageusement aux menaces des islamistes à cette époque, s’obstiner dans cette voie me semblait contreproductif et surtout pas très intelligent. D’ailleurs, quand on lit l’extraordinaire récit de Philippe Lançon ( http://uranopole.over-blog.com/2018/05/quel-est-donc-ce-lambeau-que-je-ne-saurais-voir-ou-comprendre.html), un des seuls rescapés de l’attentat, il révèle qu’un des dessinateurs de Charlie Hebdo assassiné par les terroristes, le « sage » de la bande, Georges Wolinski, considérait qu’il fallait arrêter cela. Trop tard, malheureusement !

Les controverses contre-productives de la laïcité : le voile et l’islamophobie

Deux controverses existent depuis quelques années : celui sur le port du voile et celui sur l’islamophobie. J’ai déjà évoqué la question du foulard à plusieurs reprises : l’interdiction dans les écoles et dans les administrations publiques, prônée par les militants de la Laïcité est aussi contreproductive. La Laïcité n’est pas là pour interdire, mais pour apporter le progrès, ce qui, il faut l’avouer, n’est plus aussi prioritaire à son agenda. En ce qui concerne l’islamophobie, nier son existence est tout aussi stupide. Et dans bien des cas, elle sert aussi de couverture au racisme. Et puis, il y a le vieux contentieux entre chrétiens et musulmans. Cela dit, il ne faut pas se leurrer : des personnages comme Tariq Ramadan ont œuvré sans relâche pour interdire toute critique de l’Islam considérée comme blasphématoire. Le but étant bien entendu d’inscrire dans la loi le blasphème comme délit. Le clergé catholique et les évangélistes sans le proclamer ouvertement, n’étaient pas hostiles à cette démarche de « l’intellectuel musulman » aujourd’hui carbonisé à la suite de ses peu ragoûtantes frasques sexuelles… Quant au « blasphème », on s’aperçoit que la presse « mainstream » fait preuve d’une grande prudence en la matière. Les éditorialistes si prompts à dénoncer, voire à insulter tout qui n’est pas dans « la ligne » évitent courageusement de s’avancer dans la critique même modérée d’actes et de propos émis par des religieux de toutes sortes.

Quid de la séparation du spirituel et du temporel ?

La véritable question est : prenant acte qu’une société de séparation totale du spirituel et du temporel est impossible, comment préserver la liberté d’expression, donc de pensée ? Dans son interview, Me Malka définit l’enjeu :

« Le mobile du crime [l’assassinat des journalistes et des dessinateurs de Charlie Hebdo] c’est la volonté d’interdire la critique de Dieu, donc la liberté d’expression, donc la liberté tout court. »

Cela est profondément vrai ! Ainsi, l’enjeu est de concilier la coexistence entre des communautés imprégnées de culture religieuse et une société laïque basée sur les principes fondamentaux édictés par les Lumières voici trois siècles. Mission impossible ? Devons-nous déroger à certains de ces principes afin d’assurer la paix civile ?

On a essayé ce qu’on a appelé les « accommodements raisonnables ». Par exemple, dans une piscine communale, on accepte de déroger au principe de mixité en réservant des heures pour les femmes uniquement, ou encore en dispensant les élèves de confession musulmane des cours de biologie. Cela n’a évidemment pas marché. On est arrivé à des situations rocambolesques comme l’interdiction de porter l’hidjab sur des plages de la Côte d’azur, ou de nager avec la « burkini » dans les piscines.

Moins folklorique fut le camion meurtrier de la Promenade des Anglais à Nice le 14 juillet 2016… Voilà les deux faces auxquelles nous sommes confrontés.

Le meurtrier islamiste ayant fauché des dizaines de personnes avec un camion à Nice a fini par être abattu.

L’aspect social

On oublie en outre l’aspect social. Rien de sérieux n’a été fait pour donner aux populations musulmanes vivant dans nos cités européennes les moyens de se développer dans notre société technique occidentale. Certes, il y a de brillantes réussites, mais elles se comptent sur les doigts de la main. Les « quartiers » ou les « zones » ou encore les « banlieues », tous ces lieux décentrés que le pouvoir nous cache via les médias, sauf quand cela s’embrase pour permettre à des politiciens de se faire valoir… Les banlieues aux logements taudisés, avec les écoles dites « poubelles » où le prétendu ascenseur social est bloqué au sous-sol, zones dites de « non droit » où les caïds de la drogue font la loi servent d’habitat à une population jeune, nombreuse et marginalisée. Comment dès lors donner la moindre chance à toute une génération ? Quelle société peut-elle se considérer « civilisée » si elle laisse pour compte des dizaines de milliers de gens « allochtones » ?

C’est un terreau fertile à l’islamisme qui est avant tout un redoutable instrument politique. Et là, par notre passivité, nous n’avons pas de réponse ! Un peu de sérieux : comment imprégner les principes de base de nos démocraties « modernes » - elle-même en crise, par ailleurs – à des gens confrontés à la misère, au chômage, à la drogue et surtout au « no future » ? Car, posons-nous la question : sommes-nous capables de leur proposer quelque-chose, sinon de l’assistance et de la répression ?

Une autre stratégie

Alors, la laïcité dans tout cela ? Comme nous l’avons déjà écrit : elle est isolée. Une partie de la gauche s’en détourne, car elle considère que vouloir instaurer la séparation du temporel et du spirituel dans les communautés de confession musulmane serait faire preuve de « colonialisme », d’islamophobie, voire même de racisme ! Et il est vrai que l’extrême-droite s’est saisie de cette polémique en se proclamant laïque ! Regardez « Riposte laïque » en France qui cache mal son racisme derrière sa prétendue défense de la laïcité.

Une fois de plus, c’est une question de stratégie. Il faut à la fois faire preuve de fermeté et de souplesse. Fermeté, l’actuel ministre français de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer le déclare (Le Point, 27 août 2020) :Le ministre de l'Education nationale français Jean-Michel Blanquer essaie de voir à long terme.

À la question « La laïcité est-elle vraiment indispensable à l’école publique ? », le ministre répond :

« Oui, elle est consubstantielle à l’école de la République et fait partie des éléments fondamentaux de notre société. L’école est un sanctuaire pour nos enfants, qui ne doivent pas être soumis à un quelconque prosélytisme, qu’il soit religieux, politique ou même commercial. Ce principe de neutralité est indispensable non seulement pour que soit assuré un lien de confiance entre la famille et la République, mais aussi pour que soit garantie la promesse d’émancipation des futurs citoyens de notre pays. »

On ne peut être plus ferme. Il faut savoir ce que l’on veut. Le débat se situe entre deux conceptions de la société : L’universalisme laïque et le communautarisme. Le regain d’influence du religieux doublé à la domination économique, politique et culturelle anglo-saxonne en Europe occidentale favorise le communautarisme qui place la norme religieuse et/ou culturelle au-dessus de l’universalité des règles normatives. On s’en aperçoit avec l’islamisme, mais aussi avec le poids de plus en plus important des sectes évangélistes aux Etats-Unis, en Amérique latine, en Afrique et même en Europe.

C’est en cela que l’universalisme laïque est isolé et se trouve sur la défensive. Dans la même interview, Jean-Michel Blanquer en est conscient :

« Il faut être lucide et dire sans aucune ambiguïté qu’il y a des forces à l’œuvre à l’échelle nationale et internationale pour nous imposer un modèle de société qui n’est pas le nôtre. Ces forces sont très minoritaires, y compris dans le monde musulman. J’insiste d’ailleurs sur le fait que les premières victimes de la pensée séparatiste promue par les islamistes sont les musulmans qui, dans leur très grande majorité, partagent les valeurs de la République. »

C’est vrai, Monsieur le ministre, mais n’oubliez pas le poids culturel des entreprises transnationales et des institutions européennes qui voient d’un très bon œil l’instauration du modèle communautariste dans nos sociétés laïques. La démocratie a toujours dérangé le capital. Et avec nos gouvernements européens actuels – et particulièrement celui du président Macron – notre modèle de société n’a pas de très forts défenseurs.

Alors, amis laïques, il y a du boulot !

Pierre Verhas

 

Sourse: http://uranopole.over-blog.com/2020/08/islam-versus-laicite.html

Islam versus Laïcité

Le 2 septembre s’ouvrira à la Cour d’assises spéciale de Paris le procès des complices et compagnes des auteurs des attentats meurtriers des 7, 8 et 9 janvier 2015 contre l’hebdomadaire « Charlie Hebdo », de l’assassinat d’une policière municipale à Montrouge et du massacre de l’Hyper Casher de Vincennes.

Cinq ans après, que pourra apporter un procès qui ne condamnera que des seconds couteaux, tous les auteurs de ces actes criminels ayant été tués ? Pourtant, la Justice française attache à ce dossier une importance historique : les audiences prévues pour durer deux mois et demi seront filmées.

Fresque représentant les journalistes et dessinateurs tués lors de l'attaque contre "Charlie Hebdo" le 7 janvier 2015
Fresque représentant les journalistes et dessinateurs tués lors de l'attaque contre "Charlie Hebdo" le 7 janvier 2015

Deux conceptions du monde

Une fois de plus, ce sera un débat entre deux conceptions du monde en conflit : la société occidentale sécularisée et les sociétés fondées sur la religion, ou entre l’universalisme laïque et le communautarisme. Les deux se considèrent comme supérieures et détentrice de cette valeur suprême : « La civilisation » … En plus, sur le plan historique les Européens ont colonisé au XIXe siècle l’Afrique, le Moyen-Orient et une partie de l’Asie. Les guerres de décolonisation qui se sont soldées dans les deux décennies qui ont suivi la Seconde guerre mondiale par le retrait des Européens, ont généré ce qu’on appelle le néocolonialisme – c’est-à-dire le pillage encore plus intense des ressources des anciennes colonies – et une véritable guerre idéologique entre deux visions opposées du monde.

Est-ce le fameux « choc des civilisations » cher aux néoconservateurs américains ? Non, car les « civilisations » entretiennent des relations entre elles depuis des siècles. En réalité, on peut se demander si « civilisation » est un concept réel. Il n’y a pas de rapports de forces entre elles, mais entre des peuples qui ont des intérêts divergents et qui ont chacun leur propre culture. Dans ce rapport de force s’est introduit la religion. Et là, le conflit prend une autre nature. La religion sert en effet d’arme idéologique, car, qu’il s’agisse de l’Islam ou de la Chrétienté, la religion monothéiste est prosélyte et veut imposer sa vision au reste du monde.

Dès lors, deux questions se posent en ce débat parmi les plus tendus de notre temps. La première est posée par Pierre Kompany, bourgmestre belgo-congolais de la commune bruxelloise de Ganshoren et père du célèbre footballeur dans un article de la « Libre Belgique » du 22 août 2020 : « Il est regrettable que les Belges soient allés au Congo avec un objectif civilisationnel en disant ‘je te civilise’, cela n’a pas de sens. Ils auraient pu dire ‘une culture en vaut une autre’. Les Noirs que les Occidentaux ont rencontrés dans les forêts du Congo avaient des ancêtres qui venaient d’Egypte. Et en Egypte, ils avaient une civilisation brillante alors qu’ici, en Europe, au même moment, il n’y en avait pas. »

Pierre Kompany, le bourgmestre belgo-congolais de la commune bruxelloise de Ganshoren critique le colonialisme belge.
Pierre Kompany, le bourgmestre belgo-congolais de la commune bruxelloise de Ganshoren critique le colonialisme belge.

La laïcité est un pur produit occidental. Elle est issue des Lumières européennes. Comme nous l’avons déjà écrit, elle a plusieurs patronymes dont celui de la libre pensée. À l’époque coloniale elle a tenté d’installer ses principes dans les colonies – par opposition à la mission évangéliste chrétienne –, mais sans prendre en compte les cultures des peuples des pays colonisés. Certes, la laïcité n’est pas un prosélytisme. Elle est avant tout une méthode dont l’objet est de permettre à l’être humain de penser librement au-dessus des contraintes politiques et religieuses. Mais, cette méthode est un fruit occidental. Elle ne se retrouve dans aucune autre philosophie. C’est pourquoi, si son objet est universel, elle ne réussira jamais à s’imposer hors de l’Europe, ni même dans le monde anglo-saxon qui a choisi une autre voie.

Laïcité et religion(s)

La seconde question est posée par la relation entre la laïcité et la religion, ou les religions. En France, la fameuse loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat a clairement tracé la frontière entre l’action publique et le rôle évangélisateur du clergé. D’un côté comme de l’autre, cette loi a instauré un équilibre qui maintient à la fois la paix civile et la légitimité républicaine. Par deux fois, des responsables politiques ont tenté de rompre cet équilibre : Mitterrand en 1981 avec un projet de loi de laïcisation de l’enseignement qu’il a été contraint de retirer à la suite des réactions virulentes de l’Eglise et de la droite et Sarkozy en 2007 avec un discours prononcé à Latran où il affirma accorder plus d’importance au « curé qu’à l’instituteur ». Autrement dit : placer la laïcité au second plan. Tentative avortée, également.

Nicolas Sarkozy à Latran le 20 décembre 2007 remet en question la loi de séparation entre l'Eglise et l'Etat de 1905.
Nicolas Sarkozy à Latran le 20 décembre 2007 remet en question la loi de séparation entre l'Eglise et l'Etat de 1905.

En Belgique, nous vivons sous un régime à la fois concordataire et de séparation. Les cultes sont reconnus par la loi et financés par l’Etat. Cependant, l’Eglise – essentiellement catholique – n’est représentée dans aucun corps public sauf les Fabriques d’Eglise locales qui ont été fondées par un décret napoléonien de 1814 ! Et on s’aperçoit que par ce financement de cultes, l’Eglise catholique se taille la part du lion. Dès les années 1990, les laïques ont souhaité avoir leur dû et se sont ainsi assimilés à un culte ! Ce qui est pour le moins paradoxal !

L’hebdomadaire « Le Point » publie dans sa livraison du 13 août 2020 une interview de Me Richard Malka, l’avocat de « Charlie Hebdo ». Ses propos interpellent en ce sens qu’ils ouvrent un débat fondamental entre la coexistence entre les religions monothéistes – l’Islam en particulier – et la Laïcité. C’est l’objet de ce procès selon cet avocat et il a raison. À quoi sert, en effet, de juger spectaculairement des sous-fifres qui n’apporteront pas d’éléments nouveaux sérieux en cette affaire et qui tenteront d’échapper à leur culpabilité ? Remarquons au passage que dans la plupart des cas, l’issue de ces attaques se solde par la mort de leurs auteurs. Lors des attaques du 13 novembre 2015 à Paris contre le Stade de France, le Bataclan et les terrasses, tous les protagonistes ont été tués à une exception près. Leur chef, le belge Abaaoud, a été « descendu » à Saint-Denis le 18. Sans tomber dans le « complotisme », on peut s’étonner de cette propension des forces de sécurité à abattre les auteurs de ces crimes. Abaaoud ne semblait pas être un second couteau. Le capturer aurait sans doute été très intéressant pour les services secrets français et pour la Justice. Le seul « rescapé » de cette aventure est Salah Abdeslam qui a été arrêté à Bruxelles trois mois après. Ce dernier était le « logisticien » de la bande et n’a toujours pas pipé mot. Normal : il sait ce qu’il risque : ses « vrais chefs » sont toujours dans la nature… Aussi, simple question : n’est-ce pas eux qu’il faudrait capturer ?

Me Richard Malka, l'avocat de "Charlie Hebdo" pose les bonnes questions.
Me Richard Malka, l'avocat de "Charlie Hebdo" pose les bonnes questions.

Mais, revenons au débat ouvert par Me Malka. Je n’ai pas l’habitude sur ce blog de parler de ma petite personne. Ici, je fais une exception pour que le lecteur comprenne : « Je ne suis pas Charlie ». L’évolution de cet hebdo vers un conformisme libéral-libertaire depuis le licenciement de Siné soi-disant pour antisémitisme à la suite de la prise de contrôle de cet hebdomadaire par un homme du pouvoir, Philippe Val, était plus que déplaisante. J’ai considéré aussi que Charlie exagérait avec ses caricatures antimusulmanes. S’il a réagi courageusement aux menaces des islamistes à cette époque, s’obstiner dans cette voie me semblait contreproductif et surtout pas très intelligent. D’ailleurs, quand on lit l’extraordinaire récit de Philippe Lançon ( http://uranopole.over-blog.com/2018/05/quel-est-donc-ce-lambeau-que-je-ne-saurais-voir-ou-comprendre.html ), un des seuls rescapés de l’attentat, il révèle qu’un des dessinateurs de Charlie Hebdo assassiné par les terroristes, le « sage » de la bande, Georges Wolinski, considérait qu’il fallait arrêter cela. Trop tard, malheureusement !

Les controverses contre-productives de la laïcité : le voile et l’islamophobie

Deux controverses existent depuis quelques années : celui sur le port du voile et celui sur l’islamophobie. J’ai déjà évoqué la question du foulard à plusieurs reprises : l’interdiction dans les écoles et dans les administrations publiques, prônée par les militants de la Laïcité est aussi contreproductive. La Laïcité n’est pas là pour interdire, mais pour apporter le progrès, ce qui, il faut l’avouer, n’est plus aussi prioritaire à son agenda. En ce qui concerne l’islamophobie, nier son existence est tout aussi stupide. Et dans bien des cas, elle sert aussi de couverture au racisme. Et puis, il y a le vieux contentieux entre chrétiens et musulmans. Cela dit, il ne faut pas se leurrer : des personnages comme Tariq Ramadan ont œuvré sans relâche pour interdire toute critique de l’Islam considérée comme blasphématoire. Le but étant bien entendu d’inscrire dans la loi le blasphème comme délit. Le clergé catholique et les évangélistes sans le proclamer ouvertement, n’étaient pas hostiles à cette démarche de « l’intellectuel musulman » aujourd’hui carbonisé à la suite de ses peu ragoûtantes frasques sexuelles… Quant au « blasphème », on s’aperçoit que la presse « mainstream » fait preuve d’une grande prudence en la matière. Les éditorialistes si prompts à dénoncer, voire à insulter tout qui n’est pas dans « la ligne » évitent courageusement de s’avancer dans la critique même modérée d’actes et de propos émis par des religieux de toutes sortes.

Quid de la séparation du spirituel et du temporel ?

La véritable question est : prenant acte qu’une société de séparation totale du spirituel et du temporel est impossible, comment préserver la liberté d’expression, donc de pensée ? Dans son interview, Me Malka définit l’enjeu :

« Le mobile du crime [l’assassinat des journalistes et des dessinateurs de Charlie Hebdo] c’est la volonté d’interdire la critique de Dieu, donc la liberté d’expression, donc la liberté tout court. »

Cela est profondément vrai ! Ainsi, l’enjeu est de concilier la coexistence entre des communautés imprégnées de culture religieuse et une société laïque basée sur les principes fondamentaux édictés par les Lumières voici trois siècles. Mission impossible ? Devons-nous déroger à certains de ces principes afin d’assurer la paix civile ?

On a essayé ce qu’on a appelé les « accommodements raisonnables ». Par exemple, dans une piscine communale, on accepte de déroger au principe de mixité en réservant des heures pour les femmes uniquement, ou encore en dispensant les élèves de confession musulmane des cours de biologie. Cela n’a évidemment pas marché. On est arrivé à des situations rocambolesques comme l’interdiction de porter l’hidjab sur des plages de la Côte d’azur, ou de nager avec la « burkini » dans les piscines.

Moins folklorique fut le camion meurtrier de la Promenade des Anglais à Nice le 14 juillet 2016… Voilà les deux faces auxquelles nous sommes confrontés.

Le meurtrier islamiste ayant fauché des dizaines de personnes avec un camion à Nice a fini par être abattu.
Le meurtrier islamiste ayant fauché des dizaines de personnes avec un camion à Nice a fini par être abattu.

L’aspect social

On oublie en outre l’aspect social. Rien de sérieux n’a été fait pour donner aux populations musulmanes vivant dans nos cités européennes les moyens de se développer dans notre société technique occidentale. Certes, il y a de brillantes réussites, mais elles se comptent sur les doigts de la main. Les « quartiers » ou les « zones » ou encore les « banlieues », tous ces lieux décentrés que le pouvoir nous cache via les médias, sauf quand cela s’embrase pour permettre à des politiciens de se faire valoir… Les banlieues aux logements taudisés, avec les écoles dites « poubelles » où le prétendu ascenseur social est bloqué au sous-sol, zones dites de « non droit » où les caïds de la drogue font la loi servent d’habitat à une population jeune, nombreuse et marginalisée. Comment dès lors donner la moindre chance à toute une génération ? Quelle société peut-elle se considérer « civilisée » si elle laisse pour compte des dizaines de milliers de gens « allochtones » ?

C’est un terreau fertile à l’islamisme qui est avant tout un redoutable instrument politique. Et là, par notre passivité, nous n’avons pas de réponse ! Un peu de sérieux : comment imprégner les principes de base de nos démocraties « modernes » - elle-même en crise, par ailleurs – à des gens confrontés à la misère, au chômage, à la drogue et surtout au « no future » ? Car, posons-nous la question : sommes-nous capables de leur proposer quelque-chose, sinon de l’assistance et de la répression ?

Une autre stratégie

Alors, la laïcité dans tout cela ? Comme nous l’avons déjà écrit : elle est isolée. Une partie de la gauche s’en détourne, car elle considère que vouloir instaurer la séparation du temporel et du spirituel dans les communautés de confession musulmane serait faire preuve de « colonialisme », d’islamophobie, voire même de racisme ! Et il est vrai que l’extrême-droite s’est saisie de cette polémique en se proclamant laïque ! Regardez « Riposte laïque » en France qui cache mal son racisme derrière sa prétendue défense de la laïcité.

Une fois de plus, c’est une question de stratégie. Il faut à la fois faire preuve de fermeté et de souplesse. Fermeté, l’actuel ministre français de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer le déclare (Le Point, 27 août 2020) :

Le ministre de l'Education nationale français Jean-Michel Blanquer essaie de voir à long terme.
Le ministre de l'Education nationale français Jean-Michel Blanquer essaie de voir à long terme.

À la question « La laïcité est-elle vraiment indispensable à l’école publique ? », le ministre répond :

« Oui, elle est consubstantielle à l’école de la République et fait partie des éléments fondamentaux de notre société. L’école est un sanctuaire pour nos enfants, qui ne doivent pas être soumis à un quelconque prosélytisme, qu’il soit religieux, politique ou même commercial. Ce principe de neutralité est indispensable non seulement pour que soit assuré un lien de confiance entre la famille et la République, mais aussi pour que soit garantie la promesse d’émancipation des futurs citoyens de notre pays. »

On ne peut être plus ferme. Il faut savoir ce que l’on veut. Le débat se situe entre deux conceptions de la société : L’universalisme laïque et le communautarisme. Le regain d’influence du religieux doublé à la domination économique, politique et culturelle anglo-saxonne en Europe occidentale favorise le communautarisme qui place la norme religieuse et/ou culturelle au-dessus de l’universalité des règles normatives. On s’en aperçoit avec l’islamisme, mais aussi avec le poids de plus en plus important des sectes évangélistes aux Etats-Unis, en Amérique latine, en Afrique et même en Europe.

C’est en cela que l’universalisme laïque est isolé et se trouve sur la défensive. Dans la même interview, Jean-Michel Blanquer en est conscient :

« Il faut être lucide et dire sans aucune ambiguïté qu’il y a des forces à l’œuvre à l’échelle nationale et internationale pour nous imposer un modèle de société qui n’est pas le nôtre. Ces forces sont très minoritaires, y compris dans le monde musulman. J’insiste d’ailleurs sur le fait que les premières victimes de la pensée séparatiste promue par les islamistes sont les musulmans qui, dans leur très grande majorité, partagent les valeurs de la République. »

C’est vrai, Monsieur le ministre, mais n’oubliez pas le poids culturel des entreprises transnationales et des institutions européennes qui voient d’un très bon œil l’instauration du modèle communautariste dans nos sociétés laïques. La démocratie a toujours dérangé le capital. Et avec nos gouvernements européens actuels – et particulièrement celui du président Macron – notre modèle de société n’a pas de très forts défenseurs.

Alors, amis laïques, il y a du boulot !

Pierre Verhas

 

Sourse: http://uranopole.over-blog.com/2020/08/islam-versus-laicite.html