Koopkrachtplakkaat

EnergieplakkaatC

173646265 10222054268599783 1356797931624160070 n

Delen van artikels

On se rappelle ce slogan crié par les Allemands de RDA à Leipzig en 1989 qui exigeaient un changement de régime : « Wir sind das Volk ! », « Nous sommes le Peuple ! ». Il s’est vite mué en « Wir sind ein Volk ! », « Nous sommes un Peuple ! » signifiant ainsi la volonté d’une réunification de l’Allemagne. « Nous le Peuple », cette volonté cent fois exprimée à travers l’histoire est celle revendiquée par Yanis Varoufakis.

Yanis Varoufakis, le ministre grec des Finances du premier gouvernement Tsipras vient de publier un ouvrage intitulé « Et les faibles subissent ce qu’ils doivent ? – Comment l’austérité menace la stabilité du monde », Ed. Les liens qui libèrent, Mayenne, 2016. Cet ouvrage est à la fois une analyse historique de la question monétaire en Europe depuis la guerre jusqu’à aujourd’hui en passant bien entendu par la crise grecque.

 

Yanis Varoufakis, ancien ministre des Finances du premier gouvernement Tsipras livre dans son nouvel ouvrage une analyse fine et sans concessions.

Yanis Varoufakis est d’abord très critique sur la manière dont l’Union européenne s’est construite. Il écrit : « On a créé une « Europe des Etats » délibérément contraire à une « Europe des citoyens ». Bruxelles a été construite sur la base du « Nous les Etats » pour exclure l’idéal du « Nous le peuple ». »

L’ouvrage présente un grand intérêt. Varoufakis est à la fois un témoin, un acteur, un analyste et il exprime son point de vue en tenant compte de celui de l’autre. Ainsi, il explique les raisons de l’attitude américaine lors des négociations de Bretton Woods qui ont été à la base du système monétaire occidental d’après la Seconde guerre mondiale.

Comprendre les Américains

En effet, pour les Américains, l’Europe avait provoqué deux guerres mondiales dans lesquelles les USA ont dû intervenir. À la fin de la Seconde guerre, il n’était plus question que l’Europe se restructure en Etats-nations pouvant à nouveau recommencer. Et s’il y a eu une volonté d’unification européenne pour empêcher la guerre de la part de plusieurs personnalités européennes essentiellement de gauche, ce furent les Etats-Unis qui donnèrent le coup d’envoi à la construction européenne. Ils souhaitaient en effet voir s’ériger un continent européen structuré pour y assurer la paix, pour servir l’économie de marché et pour former un contrepoids à l’Europe orientale occupée par l’Union Soviétique.

En même temps, se déroulèrent les négociations de Bretton Woods dont le personnage central était l’Anglais John Maynard Keynes.

 

John Maynard Keynes avait une vision mondiale des équilibres économiques. Il ne fut pas entendu.

Les principales victimes non humaines du conflit furent les monnaies à l’exception de celles des Etats-Unis et de la Suisse. L’effort de guerre de l’Axe avait coûté très cher à toute l’Europe et même l’Angleterre était épuisée par le coût de la guerre et par la destruction de son commerce.

« Washington avait compris qu’une fois les armées allemandes vaincues, sa première tâche serait de remonétiser l’Europe. » On trouva une solution : le dollar était garanti par l’or à 35 dollars l’once. Ainsi, il devenait le point d’ancrage des nouvelles monnaies européennes des pays se trouvant sous « protection » américaine.

La vision internationaliste de John Maynard Keynes

Mais à Bretton Woods, Keynes échoua. L’Anglais avait une vision mondiale. Il préconisa une banque centrale et une unité monétaire mondiale, le bancor, qui aurait régulé les relations économiques entre Etat par un taux fixe par rapport aux monnaies nationales. L’excédent d’un Etat comblerait le déficit d’un autre Etat, assurant ainsi un équilibre stable et pérenne. Tous les échanges internationaux seraient libellés en bancors qui seraient détenus par le FMI. Les monnaies nationales alimenteraient les économies internes des différents Etats. Keynes souhaitait même pénaliser les pays qui auraient des excédents et des déficits trop importants en obligeant le pays en excédent à acheter des bancors pour augmenter le prix de leurs exportations et l’inverse pour les pays déficitaires.

« Ainsi, lorsqu’une crise frapperait, celui-ci [le FMI] aurait les moyens de stimuler les pays déficitaires en difficulté, pour qu’ils ne sombrent pas dans un trou noir d’endettement et de récession qui pourrait s’étendre à l’ensemble du système de Bretton Woods. »

White, le délégué américain ne l’entendit pas ainsi. Les Etatsuniens imposèrent le dollar comme monnaie de référence et, écrit Varoufakis, le système « ne serait viable qu’aussi longtemps que l’Amérique resterait le pays à l’excédent extraordinaire. »

Nixon à l’origine de la crise

Cela a tenu jusqu’à l’année 1971. Le dimanche 15 août, Nixon annonça au monde qu’il laissait flotter le dollar qui n’était donc plus lié à l’or à 35 dollars l’once tel que décidé en 1944 à Bretton Woods. John Connaly, le secrétaire d’Etat au Trésor de Nixon, déclara aux Européens :

« Messieurs, le dollar est notre monnaie. Et, à partir de maintenant, c’est votre problème ! »

 

Richard Nixon décida unilatéralement de faire flotter le dollar, rompant ainsi les accords de Bretton Woods.

Pourquoi ? Parce que tout le système qui reposait sur les excédents des Etats-Unis venait de s’effondrer, car l’excédent s’est transformé en déficit. Et ce dès le début des années 1960. Ainsi, un certain chaos a régné en Europe. La France de de Gaulle rachetait l’or au prix de 35 dollars l’once. Il dut ainsi pratiquer une politique d’austérité qui aboutira à la contestation de mai 68. L’Allemagne de Ehrard qui avait pratiqué l’ordolibéralisme fut confrontée à la résistance de la Bundesbank tenant farouchement à son indépendance qui refusa de stabiliser le cours du Deutsche Mark.

Conséquence : « Donc, en 1971, l’Europe a été éjectée de la zone dollar par les Etats-Unis, bien décidés à maintenir leur hégémonie et se refusant de s’infliger l’austérité pour sauver Bretton Woods. »

En fait, cela a été le début d’un gigantesque repli sur soi. Le président de la Federal Reserve Bank, la fameuse Fed, Paul Volcker, prononça le 9 novembre 1978 un discours à Warwick. Il commença par affirmer : «Il est tentant de considérer le marché comme un arbitre impartial. » Et il ajoute : « Une désintégration contrôlée de l’économie mondiale est un objectif légitime pour les années 1980. » C’était sonner la fin de Bretton Woods ! On joua sur les taux d’intérêt qui ne cessèrent de grimper. Et ce fut le début de la « financiarisation » de l’économie. Varoufakis explique :

« Les taux d’intérêt élevés sont merveilleux pour les rentiers – ceux qui vivent de revenus « non gagnés » - mais pas très bon pour les industriels : leurs coûts d’investissement s’envolent et le pouvoir d’achat de leurs clients s’effondre. C’est pourquoi faire coexister des rendements élevés pour le capital financier (qui exigent que les taux d’intérêt soient hauts) et des taux de profit élevés pour les entreprises américaines (qui exigent que les taux d’intérêt soient faibles) ne serait jamais simple. Et Volcker le savait. Cette combinaison ne pouvait se produire que si on trouvait un autre moyen d’assurer les profits. Et ce moyen possible serait de réduire les salaires. »

Le néolibéralisme victorieux

Ainsi, le néolibéralisme était sorti des cénacles de Davos et des chaires universitaires. Il se concrétisait pour la première fois en mettant Keynes à terre. Thatcher et Reagan firent le reste. De son côté l’Europe avait d’abord adopté le serpent monétaire européen qui consistait à faire fluctuer les monnaies des Etats-membres en même temps que le dollar dans une fourchette bien déterminée. On a appelé cela « le serpent dans le tunnel ». Plus tard, sous l’impulsion de l’Allemand Helmut Schmidt et du Français Giscard d’Estaing était né le SME qui fut plus structuré puisqu’il était régi par une autorité européenne, mais les résultats furent mitigés.

Et c’est ensuite qu’on en est arrivé à l’Euro, la monnaie commune, qui fut adoptée en 1992 par le Traité de Maastricht.

Et ici, Yanis Varoufakis fait une sévère critique de l’Euro : « C’est en 1971 que l’Europe a été jetée à la mer, mais l’événement hante encore le vieux continent plusieurs décennies plus tard, malgré (ou à cause de) la création d’une monnaie commune qui n’intègre aucune des leçons que les architectes de Bretton Woods avaient apprises de l’étalon-or de l’entre-deux-guerres. John Connaly aurait sans doute gloussé de plaisir à l’idée de hanter si durablement les dirigeants européens. Mais sa bonne humeur aurait été gâchée par une vive conscience du danger clair et immédiat qu’une Europe à la dérive fait courir à un monde post-2008 semé d’embûches. »

Yanis Varoufakis qui est avant tout un universitaire économiste et un chercheur, raconte qu’il a trouvé en 1988 dans les papiers et les livres de Keynes au King’s College de Cambridge, un exemplaire de La Guerre du Péloponnèse de Thucydide dans le texte original en grec ancien. « Il y avait, souligné au crayon, le célèbre passage où les puissants généraux athéniens expliquaient aux malheureux Méliens que les « droits » ne sont pertinents qu’entre parties « de force égale », et qu’en conséquence, ils allaient faire de leurs interlocuteurs ce qui leur plairait, parce que « les forts font ce qu’ils peuvent faire et les faibles subissent ce qu’ils doivent. » C’est le titre en frnaçais du livre de l’ancien ministre grec des Finances et, comme il le dit, il se rappela de cette sentence tout au long des négociations avec l’Union européenne.

Il y eut aussi un changement profond aux Etats-Unis. Les New Dealers comme les appelle Varoufakis ont aussi perdu. Les trois présidents démocrates qui sont venus après Nixon, Jimmy Carter, Bill Clinton et Barack Obama ont échoué à faire revivre le New Deal. La cause ? «C’est parce qu’ils ont rejeté les propositions de Keynes en 1944. »

« Le plan de Keynes était internationaliste et multilatéral par essence. Il tenait compte des leçons de l’histoire (le krach catastrophique de Wall Street en 1929) et reposait théoriquement sur une idée évidente pour tout le monde sauf pour la plupart des économistes professionnels : le capitalisme mondial est radicalement différent de l’économie solitaire de Robinson Crusoé. »

Keynes finit par admettre en 1944 qu’il n’y avait pas d’autre solution qu’un système de taux de change fondé sur le dollar, mais il prédisait que cela n’allait pas durer, car un tel système ne ferait qu’accroître les déséquilibres commerciaux avec des conséquences catastrophiques pour les pays en déficit et puis pour tous les autres. La loi du plus fort finissait par se retourner contre le plus fort ! Et c’est ce qu’il s’est passé.

Keynes et White, à Bretton Woods étaient cependant d’accord sur un point crucial : « Il fallait introduire dans le système mondial qu’ils élaboraient un mécanisme de substitution pour amortir les chocs. C’est ce qui avait manqué à l’étalon-or dans les années 1920 et qui manque cruellement à l’Europe aujourd’hui : un dispositif capable d’entrer en jeu à l’instant même où disparaît le recyclage par beau temps de l’excédent par les banquiers pour que le cercle vicieux de l’effondrement ne puisse pas s’amorcer et précipiter les pays déficitaires d’abord, puis le capitalisme mondial, dans une nouvelle spirale de dépression et de conflits barbares. Quel genre de dispositif ? Un ensemble d’institutions politiques qui interviennent pour recycler les excédents quand le recyclage par beau temps fait naufrage. »

Autrement dit, le retour du politique qui devrait avoir la haute main sur l’ensemble du système. On est loin, très loin du compte !

Le serpent monétaire, le SME et la monnaie commune : trois échecs de l’Europe

« Le serpent (…) avait échoué pour deux raisons (…). La première était l’absence d’institutions conjointes pour mener une politique monétaire commune. Le SME en aurait, sous la forme de comités tout neufs à Bruxelles. La seconde raison, potentiellement plus importante, était la même qui avait torpillé Bretton Woods à la fin des années 1960 : un mécanisme pour soutenir les taux d’échange fixes en recyclant les excédents – autrement dit, en prenant les profits qui les produisaient (ou du moins les recevaient) et en les redirigeant vers les régions ou pays en déficit. »

Et la monnaie commune souffrira des mêmes handicaps. Ce sera un troisième échec et combien dramatique ! D’aucuns ont considéré et le pensent encore que c’est l’idée européenne elle-même qui est en est la cause profonde. Varoufakis pense le contraire :

« … ils sont persuadés [la plupart des Européens (dont l’auteur)] que les difficultés de l’Union européenne ne peuvent êtres dues à l’impossibilité de forger une identité européenne commune qui intègre leurs identités nationales sans les usurper. Leur seul problème, c’est qu’ils ne voient pas du tout comment l’Union européenne pourrait évoluer, à partir de ses institutions bureaucratiques au service d’un cartel économique, pour devenir une démocratie européenne au service d’un peuple européen souverain. »

Et l’ancien ministre grec pose la question :

« Comment tant de grands journalistes, d’universitaires, de hauts fonctionnaires, de chefs politiques ont-ils pu croire qu’ils parviendraient à lier durablement le franc français et le deutsche mark, sans parler de la lire italienne, de la peseta espagnole et de la drachme grecque, sans mécanisme politique pour réguler les excédents allemands et néerlandais et gérer les déficits des secteurs publics et privés ? »

Parce qu’on n’a pas voulu d’Europe politique. On a imposé une adhésion quasi dogmatique à l’Euro. Et on peut dire qu’il s’agit d’une démarche totalitaire qui, après Maastricht, s’est renforcée par le Pacte de stabilité et le Traité budgétaire (ou TSCG).

« Le totalitarisme repose sur des idéologies imperméables au raisonnement, qui peuvent attirer dans leurs rets des esprits parfaitement sensés. »

L’idée européenne a été galvaudée dès le départ et ne correspond en rien à la volonté des fédéralistes européens à la fin de la guerre, comme Albert Camus, Altiero Spinelli, George Orwell et bien d’autres. Yanis Varoufakis constate avec tristesse :

« Etre « paneuropéen » signifiait reléguer les parlements nationaux au statut de chambres d’enregistrement et d’assujettir les faibles à l’avis supérieur des forts. »

Vers le totalitarisme

En effet, l’union monétaire allait engendrer une terrible crise qui allait donner aux bureaucrates le pouvoir d’imposer l’austérité et surtout de repousser toute tentative démocratique à réduire leur pouvoir !

« L’Europe des Etats constituait la base qui convenait pour le cartel des industries lourdes sur lequel on avait fondé l’Europe unie dans les années 1950. Par conséquent, pour les élites européennes et les politiciens des partis établis, l’idée d’une république fédérale où les sans-culottes de France, d’Espagne, et Dieu nous en garde, de Grèce auraient une influence réelle sur les décisions de l’Europe était exclue. Elle n’entrait pas dans leurs calculs. Alors, incapable de tirer les leçons de l’histoire et refusant de renoncer à ses objectifs mesquins, la classe dominante de l’Europe a entrepris de recréer l’étalon-or, prouvant ainsi son inaptitude monumentale à comprendre ce qu’elle faisait. »

Un exemple de ce totalitarisme est cette conférence de presse où Klaus Masuch était le représentant de la BCE dans la Troïka. Passant début 2012 par Dublin qui avait été mise sous la tutelle, il fut interrogé à une conférence de presse par le célèbre journaliste Vincent Browne. Le dialogue surréaliste que l’on peut écouter sur cette vidéo est édifiant…

Varoufakis ne cesse d’avertir dans les conférences qu’il donne à travers l’Europe :

« Je ne suis pas venu ici pour solliciter votre sympathie ou votre aide. Je suis venu pour vous prévenir qu’il n’y a pas de crise grecque, ou irlandaise, ou portugaise. Nous sommes tous dedans, tous ensembles. La Grèce est un immense laboratoire où l’on teste des politiques désastreuses avant de les transplanter chez vous. »

La France est-elle la prochaine proie de la Troïka ? Cela est probable. Et cela expliquerait bien des choses.

 

François Hollande lors de son discours du Bourget en 2012. Savait-il déjà qu'il était sous la menace de la Troïka ?

La gauche française en veut à François Hollande d’avoir lancé lors de son discours du Bourget présentant son programme électoral pour les élections présidentielles de 2012, sa fameuse affirmation : « Mon ennemi, c’est la finance. », alors qu’il n’a fait que la servir durant son mandat. Eh bien, il était sans doute sincère ! Il voulait ainsi signifier qu’il ne pourrait réaliser son projet que s’il pouvait vaincre cet ennemi invisible et omniprésent. Il savait que la France n’était plus indépendante et que l’épée de Damoclès de la Troïka pendait au-dessus de sa tête.

Mais François Hollande n’a pas le courage de l’avouer. Il suffit cependant d’écouter ce responsable du Crédit agricole pour s’en convaincre. On comprend pourquoi le gouvernement Hollande – Valls s’obstine dans le projet « loi travail ».

On voit tout au long du récit que c’est l’Allemagne qui mène le jeu en tant qu’Etat le plus puissant de la zone Euro. C’est elle qui impose à d’autres pays des politiques drastiques d’austérité, c’est elle qui impose le contrôle strict des budgets nationaux, etc. Cela n’est évidemment pas l’Europe. Et même quand Draghi « monétarise » la dette publique d’Etats comme l’Espagne et l’Italie afin de leur éviter un scénario à la grecque, ce qui pourrait être une entorse au sacro-saint traité de Maastricht qui interdit à la BCE de renflouer les Etats. Aussi, Merkel ne donne son feu vert qu’à ses conditions : des programmes d’austérité particulièrement sévères.

On voit aussi que c’est une caste politico-financière qui se maintient envers et contre tout dans ses privilèges au nom de l’Europe dont elle domine les Etats et cherche à écraser les peuples. Mais, comme l’a démontré Varoufakis, elle est incapable d’imaginer d’autres solutions que les vieilles recettes, c’est-à-dire une « relique barbare et dangereuse d’une ère révolue. », comme le disait John Maynard Keynes.

C’est son talon d’Achille.

En cela le livre de Yanis Varoufakis est salutaire et il convient de tirer les leçons de ses avertissements.

Pierre Verhas - (sur uranopole.over-blog.com le) 6 mai 2016